Appel à communications
Le Groupe d’échanges et de recherches sur la médecine et la santé en Sciences humaines et sociales (GERMES-SHS) et la Maison
des Sciences de l’Homme Ange-Guépin organisent un colloque pluridisciplinaire ouvert aux chercheurs en scienceshumaines
et sociales et aux professionnels de santé sur le thème :
LA SANTÉ, QUEL TRAVAIL !?
Santé et maladie, entre définitions savantes et pratiques professionnelles
à Nantes, les 25 et 26 Mars 2011
Reprenant la formule de René Leriche définissant la santé comme « la vie dans le silence des organes », Georges Canguilhem,
d’une part en déduit qu’« il n’y a pas à proprement parler de science de la santé » et, d’autre part l’étend à « la vie dans la discrétion des rapports
sociaux ». Ces deux propositions interrogent la possibilité pour les chercheurs et les professionnels de s’emparer du concept de santé pour en faire un objet du travail scientifique. La santé mérite ainsi d’être « travaillée » dans ses aspects dynamiques
plutôt que d’être « étudiée » comme un « état de bienêtre », telle que la définition de l’OMS tend à la figer.
C’est dans cette perspective que chercheurs en sciences humaines et sociales et professionnels de santé, réunis au sein du
groupe Germes-SHS, lancent cet appel à communications afin de susciter des échanges autour de leurs travaux respectifs sur « la santé », saisie dans ses
dimensions théoriques et pratiques.
Ce travail de problématisation commune du concept de santé s’organise autour de deux axes. Le premier privilégie une approche
plus conceptuelle de la santé, à la fois « idéal à atteindre » et objectif dépendant des contextes historiques, économiques et sociaux. Dans le deuxième axe
la santé est
comprise comme champ d’activités professionnelles et de politiques publiques.
C’est autour de ce découpage nécessaire pour tenter de saisir la complexité de la santé comme objet de définitions savantes et
comme pratique professionnelle que se tiendra ce colloque. Il permettra des échanges pluridisciplinaires lors d’ateliers organisés autour des thématiques
proposées au sein de chaque axe.
Axe 1 : La santé, quel travail !
Ce premier axe interroge la santé en tant qu’objet dynamique dont s’emparent chercheurs et professionnels afin de mener une
réflexion sur les processus de définition et de recomposition de la santé comme champ problématique.
Devant l’ampleur de la question, quatre thématiques seront privilégiées : la santé comme « besoin », les formes d’évaluation
de la santé, les modes d’expression des maladies en tant que « santé perdue », et les outils de production de santé, pensés à partir de la
notion de remède. Ces questions donnent lieu aujourd’hui à la production d’outils de mesure à partir desquels une
standardisation des critères tend à s’imposer. Il est nécessaire de les interroger, tant dans leur mise en oeuvre que dans les effets sociaux et économiques
de leur application.
1.a. La santé peut-elle se définir en termes de « besoins » ?
La notion de « besoin » oriente les politiques publiques en matière de santé, qu’il s’agisse de l’établissement des budgets de
fonctionnement et des effectifs des professionnels de santé ou encore des campagnes sanitaires. Mais ces choix s’appuient-ils véritablement sur une
évaluation préalable des besoins de santé ou la référence aux besoins de santé est-elle purement incantatoire ? Beaucoup d’auteurs considèrent que les besoins de santé n’ont pas de limite, alors que les ressources financières du système de santé sont par
nature contingentées, conduisant les autorités sanitaires à mettre en place une instrumentation destinée à évaluer les besoins de santé, afin de
rechercher systématiquement la meilleure efficience possible du système. Comment passe-t-on du concept de « besoin de
santé » à celui « d’évaluation des besoins de santé » ? Quels sont les outils créés et mobilisés par les différents acteurs ? Par ailleurs, qu’est-ce qui
crée les « besoins de santé » : est-ce l’explosion des techniques, les changements de pratiques ou la « demande » sociale ? Du côté des patients, la santé correspond-elle à un besoin variant selon la profession, l’âge, les représentations, la culture ou les possibilités
d’accès au système de soins ?
1.b. La santé peut-elle s’évaluer ?
L’évaluation de la santé, qu’il s’agisse de celle d’une personne, de groupes de personnes ou de populations entières, est
aujourd’hui devenue un exercice courant que mettent en pratique différents acteurs depuis les soignants, les chercheurs de diverses disciplines – médicales,
de santé publique et des sciences humaines telles que la psychologie, l’économie et la philosophie pour n’en citer que quelques-unes – jusqu’aux institutions internationales à l’instar de l’Organisation Mondiale de la Santé. Mais qu’entend-t-on par
l’évaluation de la santé ? A quelles motivations et à quelles finalités cette pratique cherche-t-elle à répondre ? Quels sont les acteurs (ou points de vue),
les outils mobilisés et les indicateurs utilisés pour évaluer la santé et à quels fondements théoriques et principes
méthodologiques ces derniers se rattachent-ils ? Enfin, comment les évaluations sont-elles utilisées et quels impacts ont-elles sur les pratiques, les
politiques et, plus généralement, sur les décisions concernant la santé et le système de soins ?
1.c. Comment se disent les maladies ?
Cette question s'entend à la fois du côté du patient qui dit sa maladie et du soignant qui traduit ce dire en discours
médical. Car la maladie existe d'abord par des sensations corporelles qui dépassent un seuil de tolérance ou par un mal être (inquiétude, angoisse,
rumination…) qui n’est plus supportable. Au prix de quel travail cognitif et psychique, et selon quels déterminismes sociaux ces ressentis deviennent-ils des paroles porteuses d’une plainte ? Et à travers quels filtres scientifiques, normatifs, ou personnels et
subjectifs le médecin va-t-il traduire ces plaintes pour en faire un objet médical ? Les approches dites alternatives obéissent-elles aux mêmes types de
déterminismes médicaux et non-médicaux pour s'approprier les plaintes ? Comment les SHS éclairent-elles le dire et le
vécu de la maladie en fonction de leurs angles d’approche respectifs ?
1.d. Qu’est-ce qu’un « remède » ?
La rectification des désordres provoqués par la maladie s’opère par le biais de « remèdes », des plus anciens aux plus
modernes, visant au retour à « la santé ». Mais la santé peut-elle réellement se recouvrer ? Quelle place prennent les médicaments et autres « remèdes » dans
les représentations dela santé ? La vocation d’un remède est-elle uniquement physiologique et peut-on inscrire la démarche « diagnostic - prescription – délivrance - administration du remède » comme rituel de guérison ? Le médicament comme moyen de
retrouver la santé peut être défini à la fois comme un « principe actif », comme un objet de consommation ou comme support d’une relation
thérapeutique.
Cela pose la question des diverses significations accordées, par les patients et par les professionnels de santé, à la notion
de remède.
Axe 2 : La santé, quel travail ?
Au-delà des constructions théoriques et/ou normatives du concept, la santé est l’objet de pratiques quotidiennes au cours
desquelles des institutions, des organisations du travail et des professionnels mettent en oeuvre une expertise et posent des actes relevant d’un champ
spécifique. Objet d’un travail construit à travers un système de formation, organisé dans des lieux dédiés où la division du travail structure les possibles de chacun, normalisé par des standards opérationnels qui font débat et créent des tensions, la santé se définit
aussi à travers le travail de ses praticiens. Un travail qui suppose des prises de décision dont les conditions, aussi, font débat.
2.a. Quelles formations pour quels professionnels de santé ?
Le passage des facultés de santé au système LMD est l’occasion d’interroger les enjeux actuels de la formation des
professionnels de santé, autour de trois axes de questionnement : quels sont les effets de l’uniformisation du recrutement des professions médicales par le
concours classant de la première année ? En quoi le système de formation actuel, puis à venir, instaure-t-il des liens ou produit-il des clivages entre les différentes professions de santé ? La filiarisation des troisièmes cycles devra déboucher sur des productions de
recherche : en dehors de la recherche biomédicale, quelles recherches sur « la santé » peuvent produire les professionnels impliqués dans ces parcours,
quelle peut être la place des SHS et quelles en sont l’originalité et la spécificité ? Des propositions portant sur
d’autres systèmes, en particulier Européens, seront bienvenues.
2.b. Quelle organisation du travail ?
Le travail de santé présente des particularités organisationnelles, tant en termes de temps, et notamment de temps de travail
(horaires variables, astreintes, gardes de nuit ou du week-end), que d’espaces (à l’hôpital, en cabinet ou à domicile) et du fait des composantes
relationnelles (interactions
soignant-soigné, coopération ou concurrence entre les différents professionnels) qu’il implique nécessairement. On
s’intéressera à ces différentes formes d’organisation et à leurs répercussions tant individuelles que collectives : quelle répartition des tâches entre
professionnels de santé et selon les organisations ? Une réflexion pourra aussi être menée sur les qualifications et compétences des acteurs de santé. On s’interrogera en particulier sur les modes de division sociale, morale et sexuelle des tâches qui distinguent
professionnels et profanes, et hiérarchisent l’espace médical. Dans ce contexte de forte expertise, quelles places pour les profanes ?
2.c. Quels sont les effets produits par les normes de gestion et de rationalisation surle travail des soignants ?
On parle de plus en plus d’« industrialisation des soins » : on gère à présent des flux continus de patients, avec des outils
de plus en plus perfectionnés. Les tâches des professionnels sont de plus en plus circonscrites par des procédures et des protocoles. De nouveaux rôles
apparaissent, plus organisationnels, tenant en particulier à la régulation du travail. L’activité est désormais orientée et temporalisée par des préoccupations de gestion relayées par la direction et provenant des tutelles. Quels compromis sont trouvés entre
standardisation et singularité, entre stratégie gestionnaire et
exigences de la prise en charge du patient, entre tâches de soins et tâches administratives ? Comment les soignants
s'approprient-ils, ou pas, ces nouvelles fonctions, non directement liées à la santé ?
2.d. Comment se prend une décision médicale ?
Interroger les conditions dans lesquelles sont prises les décisions médicales ouvre deux principaux champs. Quelles
contraintes pèsent de « l’extérieur » sur le praticien (normes professionnelles, pressions de l'industrie, politiques publiques, etc.) et quels sont leurs
effets sur l’autonomie des praticiens de santé et sur la qualité des soins ? De manière plus circulaire, peut-on parler d’un réel partage de cette décision, entre des praticiens diversement formés, exerçant dans des contextes spécifiques, et des patients inégalement
armés pour une telle discussion ? Qu’est-ce qu’une « bonne » décision médicale, compte-tenu des conditions sociales d’existence et du poids des biographies
sur les rôles et les stratégies développés par chacun des acteurs ?
Comité d’organisation
Angélique Bonnaud-Antignac, Maître de conférences en psychologie, Département de sciences
humaines et sociales, Faculté de médecine, Nantes
Jean-Paul Canévet, Médecin généraliste, Maître de conférences associé, Département de médecine
générale, Nantes
Hélène Desfontaines, Maître de conférences en sociologie, IPSA, Angers
Annie Dussuet, Maître de conférences en sociologie, CENS, Nantes
Baptiste Faucher, Doctorant en droit, DCS, Nantes
Anouck Grevin, Doctorante en gestion, LEMNA, Nantes
Sylvie Grunvald, Maître de conférences en droit, DCS, Nantes
Anne-Chantal Hardy, Chargée de recherche CNRS en sociologie, DCS, Nantes
Isabelle Hervo, Formatrice Sages-femmes, Ecole de sages-femmes, Nantes
Christine Jeoffrion, Maître de conférences en psychologie, LabECD, Nantes
Cédric Le Bodic, Docteur en psychologie, Ingénieur de recherche, Germes-SHS, Nantes
Christian Merle, Professeur de pharmacie galénique, UFR de sciences pharmaceutiques, Nantes
Sylvie Morel, Doctorante en sociologie, CENS, Nantes
Anne Sarrazin, Directrice de l’école de sages-femmes, Nantes
Rémy Senand, Médecin généraliste, Professeur associé, Directeur du département de médecine
générale, Nantes
Philippe Tessier, Docteur en économie de la santé, ERSSCa, Nantes
François Tuffreau, Directeur adjoint de l’Observatoire régional de la santé des Pays de la Loire,
Nantes
Baptiste Viaud, Docteur en sociologie, CENS, Nantes
Merci d’envoyer vos propositions de communications, orales ou affichées avant le 15 novembre
2010 par mail à :
Cédric Le Bodic
MSH Ange-Guépin
cedric.le-bodic@univ-nantes.fr
02 40 48 39 60
Celles-ci devront tenir en une page maximum et préciser l’axe et la thématique dans lesquels elles
s’inscrivent. La réponse aux propositions sera transmise aux auteurs avant le 1er décembre 2010.