La Fête à pleins bords. Bayonne : fêtes de rien, soif d'absolu
rien, soif d’absolu

Philippe Joron La Fête à pleins bords. Bayonne:
fêtes de rien, soif d'absolu (CNRS Éditions)
avec préface de Michel Maffesoli.
Joyeuse ou tragique, la fête rappelle à chacun des expériences parfois indicibles ou inavouables. Nécessaire, elle maintient en chacun de nous un désir d’être-ensemble, de dépense, de relâchement que la vie productive, celle de nos contraintes et performances quotidiennes, ne saurait juguler. Commémorative, elle fabrique des histoires partagées, même lorsque son sens ou son origine sont perdus ou dévoyés. Et, en ces temps de crise où semble se charpenter une nouvelle économie de l’exis- tence, son accomplissement paraît plus indispensable encore.
Les fêtes de Bayonne s’inscrivent ainsi dans des pratiques et des men- talités tout à la fois locales et universelles dont la concrétude acharnée exprime la chair fébrile des communions dionysiaques. Faire la fête, c’est d’abord ici faire les fêtes : parmi les siens, avec les autres, pendant des jours et des nuits ou pour quelques heures, en quête de ces instants où l’on tente d’étreindre l’éternité et de s’y fondre. Cette facture festive si particulière, partagée entre constance et variabilité, plonge chaque année, durant cinq jours d’août, une ville moyenne sous les flots tumultueux de centaines de milliers de festayres venus de tout bord et de tout horizon, de Navarre, de France et d’ailleurs, de l’enfance et de l’âge d’homme, de tous les milieux socio-culturels, travestis pour l’occasion en frères et sœurs de fête, sous les couleurs rouge et blanc de l’habit basque et du vin.
La Fête à pleins bords est la première analyse sociologique des fêtes de Bayonne, insérée dans une théorie générale de la vie improductive, au travers de laquelle le lecteur pourra reconnaître ses propres aspirations et expériences en matière d’effervescence festive.
Guillaume Baychelier
site de l’artiste / artist’s website: http://www.baychelier.net/
L'Alleluiah
En 2012 sera célébré le cinquantenaire de la disparition de Georges Bataille. À cette occasion sont prévues plusieurs publications, dont notamment, aux Éditions Lignes : Préface à la transgression, de Michel Foucault (1963) ; Bataille cosmique, premier essai publié du jeune chercheur Mong-Hy, détaillant de façon inédite l’intérêt porté par Georges Bataille aux découvertes scientifiques de son temps, et l’influence qu’eurent ces dernières sur sa propre pensée (avril 2012) ; de Georges Bataille, dans la série de rééditions conduite par Lignes depuis plusieurs années : La Souveraineté (mars 2012) et L’Alleluiah (Catéchisme de Dianus) (avril 2012), deux textes essentiels trop peu lus, qui font suite à celles, toujours disponibles, de La Structure psychologique du fascisme (2009) ; Discussion sur le péché (2010) et La Notion de dépense (2011) et L’Anus solaire & Sacrifices (2011)
« Préface à la transgression » de Michel Foucault. Présentation de Francis Marmande
Éditions Lignes, Paris / Fécamp 2012, 64 p., parution le 16 février
Présentation de l’éditeur : Paru en 1963 dans la revue Critique, une année après la mort de Georges Bataille, ce texte d’hommage du jeune Michel Foucault inaugure la postérité de Georges Bataille
en tant que philosophe
Ouvrages de Georges Bataille disponibles aux Éditions Lignes
Signalons également l’édition en poche de l’ouvrage de référence de Michel Surya, Georges Bataille, la mort à l’œuvre (Gallimard, coll. « Tel », avril 2012)
« L’amour d’un être mortel » de Georges Bataille
Rue des Cascades (éditions à Ménilmontant), parution avril 2012, 40 p.
Thèmes : Intense texte philosophique de Georges Bataille sur l’amour et la communauté des amants, écrit en 1951 pour la remarquable revue internationale de littérature Botteghe Oscure, animée à
Rome, de 1948 à 1959, par Marguerite Caetani
Bataille, cinquante ans après
Revue des Deux Mondes, Mai 2012
L'etoffe de la modernité

Affiche de l'exposition, maquette de costume de Kenzo Takada (1999) et tutu de Christian Lacroix (1987)© OnP/ Julien Benhamou/Coll. BnF/ BmO
Catalogue L'Etoffe de la modernité
L'Etoffe de la modernité, Costumes du XXème siècle à l'Opéra de Paris.
Catalogue publié sous la direction de Mathias Auclair et Christophe Ghristi.
La passion pour le costume de théâtre ne date pas d'aujourd'hui. Bien au contraire, elle est déjà une fureur pendant tout le XIXème siècle. Ainsi, en 1878, l'Exposition universelle consacre quelques uns de ses espaces au costumes et, en 1880, le critique musical Adolphe Julien en fait l'historique dans un important ouvrage. A cette époque encore, les ateliers (costumes et décors) de l'Opéra de Paris sont célèbres dans toute l'Europe et les nouvelles productions deploient le faste qu'aucune autre scène ne peut concurrencer. Les grands ouvrages de Gounod, Wagner, Verdi, Massenet et Saint-Saëns sont l'occasion pour les artisans de l'Opéra de montrer un incomparable savoir-faire. Tout au long du XXème siècle et de ses révolutions esthétiques, les ateliers s'adaptent aux nouvelles modes, aux nouvelles méthodes, aux nouvelles technologies et assimilent l'art des plus grands artistes qui dessinent les costumes des chanteurs et danseurs de l'Opéra de Paris : Fernand Leger, Jean Carzou, André Masson, Marc Chagall, Yves Saint Laurent, Christian Lacroix, Kenzo ...

Kenzo Takada, maquette de costume de la reine de nuit dans La flûte enchantée 1999 © OnP/ Julien Benhamou/Coll. BnF/ BmO
Exposition Bibliothèque-Musée de l’Opéra
Palais Garnier – entrée à l’angle des rues Scribe et Aubert, Paris 9e
Tous les jours de 10h à 17h, du 19 juin au 30 septembre 2012 (sauf fermetures exceptionnelles)
Footballeuses voilées aux JO

Une nouvelle règle autorise, depuis juillet, le port du voile pour les joueuses de football dans toutes les compétitions. Pour Annie Sugier, auteur de "Femmes voilées aux Jeux olympiques", ni le sport ni les femmes n’ont à y gagner.
Le hijab (voile islamique) gagne du terrain. Notamment sur les terrains de football. Le 5 juillet, l'International Football Association Board (Ifab), seul organe autorisé à modifier les règles du football, a autorisé le port du voile aux joueuses dans les compétitions de la Fédération internationale de Football (Fifa).
Jusqu'à présent, les autorités du ballon rond l’interdisaient en invoquant des risques de blessures au cou ou à la tête pour les joueuses. En 2011, l'interdiction du voile avait contraint l'équipe féminine d'Iran à se retirer des éliminatoires pour les Jeux olympiques et trois Jordaniennes à quitter leur sélection.
Le prince Ali de Jordanie, vice-président de la Fifa pour l'Asie et demi-frère du roi Abdallah II, se félicite de la décision de la Fifa. "Je pense que le hijab ne doit pas empêcher la participation des femmes musulmanes aux Jeux olympiques (...). Les Jeux seront une grande opportunité pour les femmes arabes et musulmanes de montrer leurs capacités", a-t-il déclaré en juillet à l'AFP.
Cette nouvelle suscite une vive polémique à moins de trois semaines du début des Jeux de Londres. De nombreux pays du Golfe ont exprimé leur satisfaction ainsi que l'ONU, qui y voit un progrès "permett[ant] de faire disparaître une barrière". De leurs côtés, les associations féministes dénoncent une régression de la condition des sportives. C'est notamment le cas d'Annie Sugier, présidente de la Ligue internationale des droits de la Femme et auteur du livre "Femmes voilées aux Jeux olympiques".
FRANCE 24 : Comment accueillez-vous cette nouvelle loi ?
Annie Sugier : J’estime qu’elle ne respecte pas du tout le principe de neutralité dans le sport, selon lequel les athlètes laissent leurs convictions politiques et religieuses aux vestiaires ! Cette mesure est contraire à la règle 4 de la FIFA et à l’article 50 de la Charte olympique, qui indique qu’ "aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique".
Il faut savoir que la FIFA avait jusqu’à présent résisté aux pressions du monde arabe. Je suis révoltée du fait que l'instance contourne les règlements en arguant que le voile est "un signe culturel et non religieux". Cela implique que les Jeux olympiques ne sont plus synonymes de trêve olympique.
F24 : Est-ce que cette décision peut servir la cause des femmes en se basant sur le principe que "mieux vaut une femme voilée que pas de femmes du tout" aux Jeux olympiques ?
A. S. : Je reste persuadée que ni le sport ni les femmes n’ont quelque chose à y gagner. On est en train de tuer le travail des pionnières musulmanes comme Nawal El-Moutawakel, première femme musulmane à avoir remporté une médaille d'or aux Jeux olympiques de Los Angeles [400 mètres haies, en 1984]. Je pense aussi à Hassiba Boulmerka, la première Algérienne qui a offert une médaille d'or olympique à son pays à Barcelone [1 500 mètres, en 1992]. Il faut savoir que beaucoup de jeunes athlètes qui leur ont succédé respectent le règlement du CIO [Comité international olympique] malgré les menaces des intégristes. Menacée de mort pour avoir couru en short, Hassiba Boulmerka avait dû partir s’entraîner à Cuba. Accepter cette loi, c’est oublier le combat de chacune d’entre elles…
F24 : Que pensez-vous de la position du CIO ?
A.S. : Le CIO a toujours été hypocrite sur ce sujet. Dès 1996, une athlète iranienne, porte-drapeau de son pays, arborait pour la première fois un voile dans un stade olympique. Le comité n’avait rien dit… Aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008, quatorze délégations comptaient des athlètes voilées dans leurs rangs.
Par le passé, le CIO a pourtant sanctionné le non-respect des principes de la Charte olympique : l’Afrique du Sud a été exclue pour cause d’apartheid racial. Lors des JO de Mexico en 1968, les athlètes noirs américains, Tommie Smith et Johan Carlos ont été exclus à vie pour avoir manifesté leur soutien au mouvement des Blacks Panthers. Enfin, le président du CIO Jacques Rogge s’est permis d’interdire aux athlètes français de porter un badge en signe de protestation contre les violations des droits de l'Homme en Chine sur lequel était inscrit un message pourtant extrait de la Charte du CIO.
Le problème c’est que le silence du CIO, qui est censé défendre l’universalité du sport, apparaît comme un soutien au monde de la ségrégation. Ces athlètes voilées ne sont que des esclaves à travers le symbole ! J’espère que certaines auront le courage de refuser de le porter prétextant que c’est contraire aux valeurs olympiques.
Le CIO a trahi le serment olympique ! C’est pourquoi une délégation du collectif "Londres 2012 : Justice pour les femmes" se rendra à Londres le 25 juillet pour enterrer symboliquement la Charte olympique.
Body Peace Treaty
Au tour de Julia Bluhm de faire la Une de tous les magazines. La jeune américaine de 14 ans a gagné son combat contre l'utilisation abusive des retouches photo dans le magazine Seventeen. En partenariat avec l'association Spark, qui lutte contre la sexualisation des femmes et des filles, l'ado avait lancé une pétition le 19 avril pour dénoncer ce procédé dans Seventeen. "C’est un magazine populaire chez mes copines et de nombreuses adolescentes, expliquait-elle. S’ils acceptent de publier une série photo sans retouche chaque mois, ils pourraient lancer une tendance et permettre à des filles de mon âge de se sentir mieux dans leur corps". |
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Les retouches abusives peuvent "mener à des troubles de l'alimentation, à des régimes, à la dépression, à avoir une mauvaise image d'elles-mêmes", ajoutait la jeune fille. Julia Bluhm a rencontré un franc succès : 80 000 signatures, et une couverture médiatique importante (le New York Times lui avait tiré le portrait en mai dernier, Le Monde aussi).
il y a 4 jours – Petite révolution dans le monde du magazine féminin. Seventeen, publication très prisée des adolescentes américaines, a décidé de ne plus .
Imagining gender equality in the fantasy world
Julia Bluhm is 14 years old. Sick of seeing photo and after photo of teens photoshopped in Seventeen Magazine, she started an on line petition asking the magazine to feature just one authentic picture a month.
Yesterday, Bluhm took her petition and its going on 50,000 signatures to Seventeen’s office in New York City. Though Seventeen met with Julia, they refused to grant her request. Here is what the magazine had to say about Julia’s petition:
We’re proud of Julia for being so passionate about an issue — it’s exactly the kind of attitude we encourage in our readers — so we invited her to our office to meet with editor in chief Ann Shoket this morning. They had a great discussion, and we believe that Julia left understanding that Seventeen celebrates girls for being their authentic selves, and that’s how we present them. We feature real girls in our pages and there is no other magazine that highlights such a diversity of size, shape, skin tone and ethnicity.
Vieillir : entre médicalisation et démédicalisation
Vieillir : entre médicalisation et démédicalisation
Growing old: between medicalisation and demedicalisation
Publié le vendredi 08 juin 2012 par Loïc Le Pape
Journées d’études organisées par les RT 7 « Vieillesse, vieillissements et parcours de vie » et 19 « Santé, médecine, maladie et handicap » de l’AFS ; et la Chaire « Social Care » : lien social et santé de l’Ecole des hautes études en santé publique.
Journées d’études organisées par
- les RT 7 « Vieillesse, vieillissements et parcours de vie » et 19 « Santé, médecine, maladie et handicap » de l’AFS ;
- et la Chaire « Social Care » : lien social et santé de l’Ecole des hautes études en santé publique
Vieillir : entre médicalisation et démédicalisation, 20 et 21 décembre 2012
- Vincent Caradec (sociologue, PR, Université Lille 3)
- Benoît Eyraud (sociologue, MCF, Université Lyon 2)
- Cornelia Hummel Stricker (sociologue, maître d’enseignement et de recherche, Université de Genève)
- Béatrice Jacques (sociologue, MCF, Université Victor Segalen Bordeaux 2)
- Blanche Le Bihan (politiste, enseignante-chercheure, EHESP)
- Françoise Le Borgne-Uguen (sociologue, MCF, Université de Bretagne Occidentale)
- Emilie Legrand (sociologue, MCF, Université du Havre)
- Isabelle Mallon (sociologue, MCF, Université Lyon 2)
- Anastasia Meidani (sociologue, MCF, Université de Toulouse 2)
- Emmanuelle Zolesio (sociologue, docteure, ATER à l’Université Lille 3)
Les analyses sociologiques de la vieillesse et du vieillissement en France se sont longtemps, sinon toujours, tenues prudemment à l’écart des problématiques de santé et de maladie, probablement dans un effort prononcé de rupture avec certaines représentations prégnantes du sens commun qui assimilent la vieillesse à une maladie[1]. Réciproquement, les sociologues de la santé ont assez rarement pris en compte dans leurs analyses les spécificités que pouvaient présenter les populations âgées, tant dans leurs manières d’aborder la maladie, la santé et le soin, que dans les prises en charge différenciées dont elles font l’objet. L’objet de la journée d’étude consacrée à « la vieillesse entre médicalisation et démédicalisation » est précisément de centrer la réflexion des chercheurs sur les relations entre vieillesse, santé et maladie, au prisme des mouvements contraires de médicalisation et de démédicalisation du vieillissement. En tant que telle, cette réflexion s’inscrit dans une problématique plus large centrée autour de la sanitarisation du social, à l’œuvre pour différents âges et dans différents domaines de la pratique sociale, ou pour le dire autrement dans l’analyse de la médicalisation de l’existence.
La médicalisation de l’existence renvoie en première approche à une prise en charge de plus en plus intensive et extensive par les médecins et les institutions médicales non seulement de la maladie, mais également de la santé, dans la définition élargie retenue par l’OMS[2] en usage dans le monde médical comme dans les approches scientifiques. Saisir cette médicalisation invite ainsi à recenser toutes les pratiques qui font l’objet d’une surveillance médicale, rapprochée ou distante, que ces pratiques dérivent ou non d’une pathologie, ainsi que les lieux ou les institutions où s’exerce préférentiellement cette surveillance médicale. Les maladies chroniques (diabète, hypertension, Alzheimer) ou évolutives entraînent une médicalisation de l’existence des malades. Mais les activités physiques et sportives ou encore les conduites alimentaires font également l’objet de surveillances, de validations ou de recommandations médicales, bref d’un contrôle médical, en dehors de toute pathologie déclarée, souvent dans un objectif de prévention. La médicalisation de l’existence peut ainsi s’entendre en première instance comme une emprise croissante des institutions et des acteurs médicaux sur les pratiques de la vie quotidienne et dans sa structuration. Cette emprise passe par la diffusion de pratiques médicales, et notamment par l’institution des médecins comme référents de la santé, délivrant des recommandations directes aux acteurs sociaux, lesquels se conforment, résistent, ou échappent aux injonctions des professionnels de santé. Elle passe également par la mobilisation de registres médicaux dans la définition des politiques de santé publique, l’expertise médicale constituant une forme de légitimation extrêmement puissante, en particulier dans sa version « evidence based », fondée sur les preuves, qui se donne toutes les apparences de la science (usage d’instruments standardisés dans la définition des diagnostics, recours aux statistiques, identification de facteurs de risque, parmi lesquels l’âge, numérique ou biologique, défini par une série de mesures, etc.). La médicalisation de l’existence décrit donc la propension à faire entrer dans le domaine d’expertise de la médecine des pans de plus en plus large des pratiques sociales, au-delà des connaissances médicales disponibles ou du champ d’expertise originel des médecins. Elle procède à la fois par « pathologisation » de comportements antérieurement définis dans d’autres registres (éventuellement moraux), et par le biais de la prévention, identifiant aux niveaux individuels et collectifs, des « facteurs de risque », en fonction desquels des pratiques doivent être abandonnées, aménagées ou au contraire introduites, soutenues ou intensifiées.
La mise en évidence d’une médicalisation de l’existence ne doit pas cependant conduire à négliger des processus de démédicalisation, qu’ils soient internes au champ médical, en raison par exemple de controverses scientifiques sur le caractère pathologique de tel ou tel symptôme et l’efficacité ou la nécessité d’une thérapie, ou qu’ils soient liés à des représentations alternatives des pathologies ou des événements biologiques pris en charge médicalement. Ces processus conduisent un certain nombre d’acteurs sociaux à se détourner des structures ou des procédures médicales les plus techniques, ou à récuser le contrôle médical sur leur existence. Certains mouvements de démédicalisation dérivent ainsi directement de la surmédicalisation de certaines pratiques, que cette surmédicalisation soit attestée par les médecins eux-mêmes ou perçue par les acteurs profanes.
Ces mouvements de médicalisation et de démédicalisation ne sont pas nouveaux. L’avancée en âge fait depuis le XIXème siècle l’objet de tels processus en particulier aux deux extrémités de la vie, comme en témoignent l’émergence de la pédiatrie et de la gériatrie comme spécialités médicales. Le vieillissement a ainsi reçu une définition biomédicale au fil des siècles dont les contours et le contenu ont varié selon les époques et légitimé des prises en charge très différentes des personnes âgées, qu’elles soient ou non malades. Cette définition biomédicale coexiste avec d’autres définitions de la vieillesse et de l’avancée en âge, institutionnelles, mais également portées par les acteurs sociaux, s’appuyant sur d’autres registres de l’expérience et d’autres formes de légitimité. Le vieillissement nous semble alors offrir, en raison même de sa constitution comme un objet social et médical, des terrains extrêmement féconds pour explorer les relations entre vieillesse, santé et maladie, au prisme des processus de médicalisation et démédicalisation dont il est l’objet. Il s’agit ainsi d’explorer les tensions, les contradictions, les renforcements ou les différenciations des registres de description de la vieillesse et du vieillissement et des modes d’intervention auprès des populations âgées, dans différents contextes de vieillissement, en accordant une attention soutenue aux manières différenciées dont s’énoncent et se vivent la maladie et la santé au fil de l’avancée en âge.
Quatre grands axes peuvent être explorés pour analyser les dialectiques de médicalisation et démédicalisation façonnant les processus de vieillissement :
1. Le diagnostic et la prise en charge des pathologies des personnes âgées
Comment la vieillesse des patients intervient-elle dans leur prise en charge sanitaire ? Quels sont les effets d’un âge donné, de la prise d’âge dans les soins retenus ? Comment ces éléments croisent-ils les différents types de pathologies ? Un certain nombre d’enquêtes épidémiologiques montrent que l’âge est un facteur de retard dans le diagnostic de certaines pathologies (exemples : démences, mais également cancers), et de moins bonnes prises en charge thérapeutiques (avérées en ce qui concerne les cancers). L’âge est donc un facteur d’inégalités de santé. Pour autant, les ressorts de ces inégalités sont encore mal connus. La vieillesse peut-elle ainsi masquer la maladie ? Comment cette vieillesse est-elle définie, tant par les personnes âgées elles-mêmes, que par leur famille ou par les médecins ? Dans certains contextes à préciser, l’accès aux différents lieux de soins, à certaines thérapeutiques, apparaît dépendant de seuils d’âge ou de formes de pathologies. Dans quelles situations de soins le critère d’âge est-il intégré, au sens où il fait convergences ou tensions entre les différents intervenants ? Ces éléments sont présents dans l’issue donnée après un temps de séjour en services hospitaliers par exemple. Certains vieux le sont-ils plus que d’autres ? Qui fait « plus » ou « moins » que son âge ? Comment des dimensions sociales viennent-elles parasiter ou infléchir l’établissement de diagnostic ou la prise en charge des personnes âgées, et conduisent-elles à une sur ou à une sous-médicalisation ? Quels sont les principes de justification des soins médicaux prodigués aux personnes âgées ? Dans un contexte de rationalisation croissante des soins et de leur économie, comment la question des coûts des soins aux patients âgés est-elle intégrée dans les pratiques médicales, par les différents professionnels ? Le contexte démographique actuel a repoussé la mort vers les âges élevés : plus encore qu’auparavant, la mort des vieux est acceptable, autant qu’attendue. Quels effets ce contexte produit-il sur les soins accordés aux plus vieux ? Quels sont les autres ressorts moraux de la prise en charge des vieux malades ? Dans quelle mesure certaines pathologies sont-elles surmédicalisées, alors que d’autres sont négligées ou sous-médicalisées ? Qui sont les professionnels confrontés aux patients âgés, et comment les définitions de la vieillesse et du vieillissement varient-elles selon les spécialités médicales, la position dans la division sociale du travail médical ou encore selon les parcours biographiques des différents professionnels de santé ? On sait que les généralistes sont les praticiens « en première ligne » des soins aux personnes âgées : quelle est leur poids dans l’orientation de leurs patients âgés vers des prises en charge médicales plus lourdes ou plus spécialisées ? Dans quelle mesure les luttes internes au champ médical ou encore les conditions de fonctionnement du système médical (exemple : les urgences) produisent-elles des appels à la démédicalisation ? L’examen de ces questions permettrait ainsi de montrer les effets différenciés, voire contradictoires, de l’âge sur les prises en charges médicales des vieux en raison des variations sociales de la construction et de l’usage des catégories d’âge, en particulier à la vieillesse.
2. La médicalisation de la santé des personnes âgées
Dans quelle mesure et par qui la vieillesse est-elle construite comme un « facteur de risques » sanitaires ? De l’identification des risques à la prévention, et de la prévention à la médecine anti-âge, comment les symptômes de la vieillesse, en dehors de toute pathologie déclarée, sont-ils interprétés médicalement ? Comment les définitions de la vieillesse induisent-elles un certain nombre de recommandations relatives à la santé ? Cette médicalisation de la santé peut être saisie aussi bien à travers les programmes de santé publique que par les intermédiaires de la santé (qu’ils appartiennent au monde médical ou non), les groupes professionnels travaillant auprès des personnes âgées ou encore les personnes âgées elles-mêmes. Quels sont les conseils de prudence et de modération spécifiquement adressés aux populations âgées ? Sur quelles visions du monde et de la vieillesse se fondent-ils ? Peut-on mettre en évidence, au sein des rhétoriques et des lexiques médicaux, l’influence de représentations communes de la vieillesse et du vieillissement ? Comment les personnes âgées elles-mêmes prennent-elles en charge leur santé ? Se conforment-elles aux recommandations des médecins ? Les refusent-elles ou les ignorent-elles ? Comment définissent-elles le vieillissement ? Quelle place les questions de santé ou de maladie occupent-elle dans l’appréhension du vieillissement, tant par les personnes âgées que par leurs proches, ou encore par les professionnels de santé ? Quelle place les professionnels de santé occupent-ils dans la vie des personnes âgées ? Cette médicalisation trouve aussi son extension dans les réseaux de soins construits dans le champ des technologies pour la santé, en particulier dans ses développements en matière de télévigilance, télésurveillance. Elle mobilise des tensions entre différents médecins et aussi entre médecins et ingénieurs, entre technologues et accompagnateurs de liens sociaux.
3. Les médecins et le monde médical comme entrepreneurs de morale
Quelles sont les définitions d’une vieillesse « réussie » ? Les médecins, par leur pouvoir de prescription et par l’efficacité généralement reconnue de leur action, ont une action normalisatrice et moralisatrice. Quand outrepassent-ils les limites de leur compétence ? Avec quelles populations ? Dans quels domaines ? Comment les médecins, de manière différenciée selon leur spécialité, norment-ils la vieillesse ? Comment le savoir (ou parfois seulement le discours) médical devient-il une ressource pour standardiser, normaliser, voire moraliser la vieillesse, en fournissant des motifs de légitimation de prescriptions ou de proscriptions de pratiques ? Diverses thématiques peuvent être explorées en ce sens : le socle représentationnel relatif à l’autonomie, tel que véhiculé par le corps médical, les injonctions en matière d’activité physique ou d’alimentation, mais également à propos des relations interpersonnelles des aînés, qu’elles soient familiales ou sociales.
4. Des définitions alternatives du vieillissement
Comment les personnes âgées échappent-elles à l’emprise médicale ? Dans quelles circonstances ? Quelles sont les représentations et les pratiques du vieillir alternatives aux définitions sanitaires ? Comment et dans quels contextes sociaux les saisir ? La recomposition actuelle des frontières entre les politiques sociales/médico-sociales/sanitaires, avec l’arrivée des ARS dans le champ du vieillissement, oblige les acteurs traditionnels en charge de l’aide et des soins aux personnes âgées à se repositionner. Comment les normes professionnelles, les valeurs, les définitions du vieillissement et de la vieillesse sont-elles infléchies dans ce contexte renouvelé ? Quelles pratiques sont l’enjeu de luttes de définition ? Des formes de résistance des vieilles personnes aux injonctions de la médicalisation sont identifiées. Leurs manifestations varient selon les contextes sociaux ; les appartenances à des réseaux d’échange (associatifs, militants), le recours aux blogs, aux instruments de démocratisation sanitaire. Les formes d’empowerment ainsi construites parviennent à construire des manières de vieillir qui tiennent certaines formes d’exercice du pouvoir médical à distance. Comment la question du non-recours aux soins éclaire-t-elle les distances entre des définitions médicales et des définitions profanes de la vieillesse et des « misères » qui l’accompagnent ?
Ces différentes interrogations peuvent être mises en œuvre dans des contextes et à des échelles variés : les programmes de santé publique, les groupes professionnels (médicaux et non médicaux) en charge des personnes âgées, les médiateurs chargés de la diffusion du savoir médical sur la vieillesse, les personnes âgées elles-mêmes.
Les propositions de communication, d’une page environ, et mentionnant l’adresse et le rattachement institutionnel des auteurs, sont à adresser à :
- Blanche Le Bihan Blanche.Lebihan@ehesp.fr
- Isabelle Mallon Isabelle.Mallon@univ-lyon2.fr
- Anastasia Meidani ameidani@univ-tlse2.fr
- Les communications seront sélectionnées et les auteurs prévenus à partir du 1er octobre 2012
- Des textes courts (20 000 - 30 000 signes) seront attendus pour le 1er décembre 2012, pour faciliter le travail des discutants, et dans l’optique d’une publication.
- [1] Ces remarques ne sont pas valables pour les autres pays francophones. Le centre interfacultaire de gérontologie de Genève a ainsi travaillé de manière interdisciplinaire très précocement. Les analyses de la fragilité telles qu’elles ont été développées par C. Lalive d’Epinay sont un bon exemple de l’intégration des problématiques de santé dans l’analyse de la vieillesse.
- [2] « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » : préambule à la Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé, adopté par la Conférence Internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. (Actes officiels de l'OMS, n°. 2, p. 100)
- Vieillir, vieillesse, vieillissement, médicalisation, démédicalisation, personnes âgées, santé, maladie, grand âge
- mercredi 18 juillet 2012
- Anastasia Meidani
courriel : ameidani (at) univ-tlse3 [point] frAnastasia MEIDANI
Maître de Conférences en Sociologie
Université de Toulouse II - Le Mirail
5, Allées Antonio Machado
31 058 Toulouse Cedex 09
- Anastasia Meidani
courriel : ameidani (at) univ-tlse2 [point] fr
« Vieillir : entre médicalisation et démédicalisation », Appel à contribution, Calenda, publié le vendredi 08 juin 2012, http://calenda.revues.org/nouvelle24400.html
Beauté et chirurgie esthétique
Hors-série n°162 - août 2012
Beauté, médecine et chirurgie esthétiques
Édito
- Un marché en pleine croissance
- « Le droit à disposer de son propre corps » - Interview du philosophe Bernard Andrieu
- Des livres pour en savoir plus
- Les injections à visée esthétique - Effet antirides sans bistouri !
- Les peelings - Comment faire “peau neuve”
- Le remaillage - Pas sans risque
- Les lasers dermatologiques - Une technologie de pointe ultraciblée
- Le visage - Rajeunir sans changer d’identité PAR LE DR A.B.
- Les oreilles - En finir avec les moqueries PAR LE DR F. F.
- Le nez - Et si vous changiez de profil ? PAR LE DR Y. L.
- Les paupières - Considérer l’avenir d’un oeil neuf PAR LE DR C.L.L.
- La calvitie - Lutter pied à pied contre la fatalité PAR LE DR P. L.
- Les seins - Pour retrouver toute sa féminité PAR LE DR E.D.
- L’abdomen - Une nouvelle silhouette au scalpel PAR LE DR C.L.L.
- Les cuisses et les fesses - Faire disparaître la culotte de cheval PAR LE DR J.-F.P.
- Bien choisir son praticien
- Se faire opérer : à quel prix ?
- Une information minimale
- Quels recours en cas de problème ?
- Les risques du tourisme esthétique
Lexique
Stigmates
Artistes
Philip GURREYJake & Dinos CHAPMANGeorge CONDOHans-Peter FELDMANNRachel LABASTIEMathieu MERCIERGosha OSTRETSOVMarkus SCHINWALDCette nouvelle exposition dialogue traite de la force d'une peinture à travers le temps en confrontant les œuvres de l'artiste invité Philip Gurrey à celles, issues de la collection, de Jake et Dinos Chapman, George Condo, Hans-Peter Feldmann, Rachel Labastie, Mathieu Mercier, Gosha Ostretsov et Markus Schinwald.
Cette exposition sera, une nouvelle fois l'occasion d'expliquer pourquoi et comment l'art contemporain est une suite logique de l'histoire de l'Art, dont l'esthétique, la transgression, le temps qui passe forment une œuvre universelle et finalement intemporelle.
Revisiter des œuvres de l'histoire de l'art, défier le temps qui passe et en laisser des cicatrices visibles pour rendre palpable l'invisible, voilà ce dont parlent la vingtaine d’œuvres rassemblées dans l’exposition dialogueStigmates.
Ce corpus d'œuvres soulève de nombreuses questions :
- comment apporter une forme moderne aux œuvres classiques et parfois oubliées de l'histoire de l'art ?
- comment les artistes contemporains s'approprient-ils ces œuvres ?
- comment assurer une continuité entre l'art du passé et celui d'aujourd'hui ?
Le temps qui passe laisse parfois filer et s'échapper des blessures enfouies. Les artistes, ici réunis par la Fondation Francès, ont décidé de les révéler, de libérer les fantasmes cachés et d'exorciser les états schizophrènes en les dévoilant au grand jour : Markus Schinwald pose sur ses portraits de style Second Empire des appareils de tortures, Rachel Labastie confectionne des entraves fragiles, Philip Gurrey s’attache à révéler l’âme de portraits blessés et torturés avec une grande intensité dramatique, Jake et Dinos Chapman relatent le temps qui passe et ses effets sur l'art et sur nos corps à travers une peinture ancienne, Hans-Peter Feldmann "blesse" le visage d'un portrait ancien altérant à la fois sa beauté et notre sensibilité. De son côté, George Condo repense la peinture contemporaine à travers des œuvres anciennes et y fait directement référence : pour Stigmates c'est de Goya dont il est question, d'une violence oubliée avec le Saturne dévorant ses enfants, réinterprété par Condo dans une violence imaginaire et fantasmée, toutefois moins abrupte que l'originale. Mathieu Mercier, quant à lui, efface les visages pour ne laisser apparaître qu’un masque, mi-tribal, mi-sportif et c’est pourtant dans ce vide qu’apparaissent les traces de nos cicatrices. Enfin Gosha Ostretsov révèle une obsession universelle et intemporelle, l’objet a perdu sa peau mais l’homme continue à interroger l’histoire.
Cette nouvelle exposition Stigmates est fidèle à l'esprit de la collection de la Fondation Francès : nous faire réfléchir sur les excès de nos vies, ceux qui nous fascinent et nous façonnent. L'exposition Stigmates s'inscrit dans un processus de sensibilisation des publics à l'art contemporain. La médiation culturelle s'applique à mieux expliquer et situer ces œuvres dans l'histoire de l'art.