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Sodome à Paris

6 Décembre 2011 , Rédigé par leblogducorps.over-blog.com

Fiche produit de Sodome à Paris. Fin Xviie-milieu Xixe siècle :
Sodome à Paris : protohistoire de l’homosexualité masculine, fin XVIII– milieu XIXe siècle
Thèse, Université Paris VII, 2009
Thierry Pastorello

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Texte intégral

  • 1  Voir Corbin Alain, L’harmonie des plaisirs, Paris, Perrin, 2007, p. 10-12

1Alain Corbin, dans une étude intitulée L’Harmonie des plaisirs : les manières de jouir du siècle des lumières à l’avènement de la sexologie, note en ce qui concerne la période étudiée l’obligation d’oublier les concepts forgés par la sexologie.1 Pourtant, si la construction de l’homosexualité ne peut être envisagée avant la fin du XIXe siècle, les sentiments dits homosexuels furent antérieurement perçus à travers certains critères. Les hommes pratiquant ces rapports affectifs et sexuels eurent une conscience d’eux-mêmes. Grâce à cette étude localisée exclusivement sur Paris, nous démontrons en quoi cette période charnière qui se situe entre le milieu du XVIIIe et le milieu du XIXe siècle est majeure pour comprendre l’histoire et la construction de l’homosexualité masculine.

2Cette thèse a été rédigée en croisant des sources diverses : sources policières présentes à la Bibliothèque de l’Arsenal (Archives de la Bastille), aux Archives de la préfecture de police de Paris 1 bis rue des carmes Paris  5e  (séries DA 230, BB4 notamment), sources judiciaires présentes dans les fonds F7 des Archives nationales, archives de l’assistance publique et des hôpitaux de Paris. Enfin, nous avons eu recours aux sources imprimés présentes à la Bibliothèque nationale de France : mémoires, essais notamment médicaux mais aussi de juristes ou de policiers, sources littéraires, philosophiques, pamphlétaires… Au final cette thèse comprend huit chapitres. Les trois premiers sont consacrés à l’étude de l’homosexualité masculine à Paris dans le cadre de la fin de l’Ancien Régime. Les perceptions sur les relations sexuelles entre hommes sont examinées grâce à la mise en parallèle des perceptions usuelles, du discours de certains hommes de lettres, d’une certaine littérature licencieuse et de la parole sadienne. La parole sur les relations sexuelles entre hommes est multiple et variée. On peut parler d’une vie sodomite à Paris dans la dernière partie du XVIIIe siècle. Des subcultures spécifiques sont effectives et on observe des rites caractéristiques. Parallèlement, il y a une différence dans la manière d’assumer et de percevoir ces comportements sexuels suivant que l’on se situe dans l’aristocratie, le haut clergé et les gens de métiers. Au plan répressif, il y a une nette différence entre des textes fidèles à la définition du crime de Sodomie et une action policière réprimant surtout la visibilité. D’ailleurs on peut affirmer qu’une date clef pour la répression légale est celle de 1750, date de la dernière exécution pour sodomie pure, et qui annonce une mutation profonde.

  • 2  Voir Roudinesco Elisabeth, La part obscure de nous même, Paris, Albin Michel, 2007

3Les cinq chapitres suivants abordent la Révolution et la première partie du XIXe siècle. On assiste à une stigmatisation particulière autant qu’à une assimilation de la pratique de l’homosexualité masculine aux fléaux sociaux divers. Le discours médical ne se détache que progressivement d’un discours moral réprobateur sans spécificité propre. L’apparition d’une parole médicale propre sur la pratique de l’homosexualité semblerait s’élaborer au cours de la première partie du XIXe siècle à travers la médecine légale. Il n’y a pas une stigmatisation globale de l’homosexualité : à travers les exemples des entrepreneurs de morale, certains de ces hommes décrits comme féminins semblent particulièrement visés. Ces perceptions de l’homosexualité masculine doivent donc être envisagées dans le contexte de la mutation de la masculinité et dans le cadre plus général de l’évolution de la notion de perversion.2 Dans le domaine juridique, les évolutions sont conséquentes et doivent être interprétées : la disparition du crime de sodomie en 1790-1791 doit être replacée dans le cadre de la laïcisation du droit et d’une nouvelle approche répressive. Désormais seront réprimés uniquement les actes susceptibles d’avoir des conséquences sociales. La répression semble plus multiforme et cible visibilité, scandale et débauche de la jeunesse. L’homosexuel masculin semble visé en priorité. Parallèlement, des modes de vie propres aux homosexuels masculins se mettent en place : une sexualité anonyme qui conduit à une satisfaction immédiate. Cette subculture revêt des caractéristiques particulières. Une géographie de la pratique de l’homosexualité à Paris se dégage à partir de l’analyse des espaces propices et de la trace de certains établissements spécifiques. Le discours et la répression (pourtant plus multiformes) semblent avoir une influence limitée. Elle est observable dans les attitudes de certains éléments des classes populaires urbaines : une pratique occasionnelle de l’homosexualité ne transgressant pas les normes du genre est tolérée. Du côté des élites, les vécus semblent démontrer parfois une forme de facilité de vivre sa particularité. Une analyse micro-historique de ces cas permet de faire intervenir le poids de la montée de l’intimité chez certains, de la notoriété chez d’autres. On doit aussi prendre en compte un problème de différence générationnelle.

4A travers le cas parisien, au cours des années se situant entre la dernière partie du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle on peut discerner l’émergence de représentations nouvelles concernant les pratiques sexuelles et sentimentales entre hommes et les implications et les attitudes des intéressés. Représentations et identifications restent en gestation à la fin de la période étudiée. C’est seulement à l’issue de cette période que nous rentrons dans l’histoire de l’homosexualité : Regis Revenin a démontré le développement d’un monde homosexuel à Paris depuis les années 1870, et, à partir de là, on pourra parler davantage d’unité des vécus.

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Notes

1  Voir Corbin Alain, L’harmonie des plaisirs, Paris, Perrin, 2007, p. 10-12

2  Voir Roudinesco Elisabeth, La part obscure de nous même, Paris, Albin Michel, 2007

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Pour citer cet article

Référence électronique

Thierry Pastorello , « Sodome à Paris : protohistoire de l’homosexualité masculine, fin XVIII– milieu XIXe siècle », Genre & Histoire [En ligne] , n°4 | Printemps 2009 , mis en ligne le 06 juillet 2009, Consulté le 05 décembre 2011. URL : http://genrehistoire.revues.org/index601.html

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