L'expérience corporelle
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" Le cadre épistémologique : l’activité humaine, entre sens et auto-organisation
L’orientation disciplinaire adoptée ici est celle de l’anthropologie cognitive dont le projet
scientifique se fonde sur un certain nombre de présupposés relatifs à l’étude de l’activité
humaine :
a) l’activité humaine, celle d’un enseignant par exemple, contient une spécificité qui est celle
d’une capacité auto-adaptative propre à tout organisme vivant. Tout système vivant est
capable d'autorégulation en développant des processus internes nés de son contact au
monde. Ce processus propre au vivant est nommé "autopoïèse" ou "capacité énactive" selon
Varela (1989) : par son inscription sensible dans l'environnement, l'organisme va "énacter"
son adaptation, c'est à dire découvrir sensoriellement les conditions de son adaptation
optimale dans le monde. Grâce à ses caractéristiques sensibles, et en interaction avec le
milieu, l'humain va dégager une double connaissance : celle du monde, et celle de sa relation
avec lui. Ce premier postulat invite à privilégier une démarche compréhensive : étudier une
activité humaine consiste, à partir de l’expérience sensible de l’acteur en interaction avec le
milieu, à comprendre comment l’acteur s’adapte au contact du monde, par quelles actions et
quels processus internes ;
b) les activités humaines ont une autre caractéristique majeure, le fait d’avoir un sens pour
ceux qui les vivent. Comprendre, c’est d’abord accéder à ce sens c’est-à-dire à la façon dont
des acteurs font l’expérience des situations et les interprètent. Ainsi, l’anthropologie cognitive
accorde une priorité à l’expérience vécue, en décrivant soigneusement les actions que les
acteurs réalisent et les significations qu’ils leur donnent (Durand, 2001) ;
c) ce programme de recherche défend une double visée "épistémique" et "transformative" :
les pratiques humaines sont étudiées avec le double souci de dégager des principes de
compréhension de l’activité des praticiens (enseignants et formateurs) et de leur offrir aussi
des possibilités de transformer leur pratique. Toutefois, les résultats des recherches n’ont pas
d’emblée pour but de prescrire aux praticiens les actions à faire mais d’apporter un gain à la
compréhension des phénomènes qui s’y développent ;
d) enfin, la recherche en anthropologie nécessite l’irruption du chercheur dans l’intimité des
classes, ce qui s’accompagne de conditions éthiques pour le chercheur dans sa collaboration
avec le praticien : d’une part, adapter les procédures et dispositifs de recherche pour ne pas
gêner les praticiens dans leur travail ; d’autre part, adopter une posture basée sur la
confiance et la compréhension mutuelle des phénomènes étudiés, et non sur une posture de
jugement surplombant vis-à-vis du praticien"
eJRIEPS 19 janvier 2010 27
L’activité en classe de l’enseignant d’EPS et le caractère « situé » des
connaissances dans l’action : contribution d’un programme de recherche en
anthropologie cognitive
Nathalie Gal-Petitfaux
UFR STAPS, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, France
Ce texte est la conférence prononcée par Nathalie Gal-Petitfaux au Séminaire International
de l’AIESEP "Action située, pratique réflexive et construction des connaissances en
Education physique" à Besançon le 28 mai 2009.