Image d'Algérie de Pierre Bourdieu
.
Pierre Bourdieu : images d’Algérie, une affinité élective / Ouvrage conçu par Franz Schulteis et Christine Frisinghelli. – Actes Sud, 2003. – 221 p.
“Le regard d’ethnologue compréhensif que j’ai pris sur l’Algérie, j’ai pu le prendre sur moi-même, sur les gens de mon pays, sur mes parents, sur l’accent de mon père, de ma mère, et récupérer tout ça sans drame, ce qui est un des grands problèmes de tous les intellectuels déracinés, enfermés dans l’alternative du populisme ou au contraire de la honte de soi liée au racisme de classe. J’ai pris sur des gens très semblables aux kabyles, des gens avec qui j’ai passé mon enfance, le regard de compréhension obligé qui définit la discipline ethnologique. La pratique de la photographie, d’abord en Algérie, puis en Béarn, a sans doute beaucoup contribué, en l’accompagnant, à cette conversion du regard qui supposait – je crois que le mot n’est pas trop fort -, une véritable conversion. La photographie est en effet une manifestation de la distance de l’observateur qui enregistre et qui n’oublie pas ce qu’il enregistre (ce qui n’est pas toujours facile dans les situations familières, comme le bal), mais elle suppose aussi toute la proximité du familier, attentif et sensible aux détails imperceptibles que la familiarité lui permet et lui enjoint d’appréhender et d’interpréter sur-le-champ (ne dit-on pas de quelqu’un qui se conduit bien, amicalement, qu’il est “attentionné” ?), à tout cet infiniment petit de la pratique qui échappe souvent à l’ethnologue le plus attentif. Elle est liée au rapport que je n’ai cessé d’entretenir avec mon objet dont je n’ai jamais oublié qu’il s’agissait de personnes, sur lesquelles je portais un regard que je dirais volontiers, si je ne craignais pas le ridicule, affectueux, et souvent attendri.” (Extrait tiré de Pierre Bourdieu : Ein soziologischer Selbstversuch, Francfort, Surkhamp, 2002.)
Château de Tours - Jeu de Paume
25, avenue André-Malraux, 37000 Tours, France
Renseignements : 02 47 70 88 46 /// mardi à vendredi 14 h-18 h / samedi et dimanche 14 h 15-18 h /// Entrée : plein tarif : 3 € / tarif réduit : 1,50 €
À l'occasion de la célébration du 50 e anniversaire des accords d'Évian, qui mirent fin à la guerre d'Algérie, le Jeu de Paume présente au Château de Tours une sélection de
cent cinquante tirages noir et blanc issus des clichés pris par le sociologue Pierre Bourdieu dans ce pays entre 1958 et 1961. Si une infime partie de ces images servit d'illustration aux
publications de l'auteur, la plupart d'entre elles, enfouies pendant quatre décennies dans des cartons, ne furent dévoilées au public qu'après sa mort, au moment de la première présentation de
cette exposition en 2003. Elles témoignent d'un voyage initiatique et d'une conversion profonde pour Pierre Bourdieu.
Résultant des recherches qu'il mena dans un pays en plein conflit, ces archives photographiques, abordées ici à la lumière de son approche scientifique, sont mises en regard d'extraits choisis
parmi les entretiens et écrits du sociologue ("Le Déracinement", "Travail et travailleurs en Algérie", "Algérie 60" ou encore "Le Sens pratique"). Ce dialogue
entre images et textes permet ainsi d'appréhender son regard naissant sur le monde social et de retracer une aventure singulière qui fut déterminante pour l'ensemble de sa carrière.
Tweet. Pierre Bourdieu. Images d'Algérie. Une affinité élective. Au Château de Tours. du 16 juin au 04 novembre 2012. Le 18 mars 2012 a été célébré le 50e .