Dans ma peau
8 Septembre 2011 , Rédigé par leblogducorps.over-blog.com
Mon corps est un carcan ; je suis prisonnier d'une gangue de chairs et d'os.
Je bataille pour marcher, pour parler, pour écrire, pour mouvoir des muscles qui m'écharpent à chaque moment. Mon esprit ressasse d'identiques rengaines ; je ne vois plus les sourires de mes enfants, ni les tendres regards de celle que j'aime ; je ne vois que mes mains qui tremblent, mes bras qui peinent à amener la nourriture à la bouche et mes jambes qui ploient sous le poids d'un corps devenu trop lourd.
Je ne suis plus qu'un homme mal assis qui songe sans fin, et si j'ai aimé ce corps, je le hais à présent. Nous cohabitons désormais et il a le dernier mot en tout ; je ne me suis résolu à cette idée que contraint
Je bataille pour marcher, pour parler, pour écrire, pour mouvoir des muscles qui m'écharpent à chaque moment. Mon esprit ressasse d'identiques rengaines ; je ne vois plus les sourires de mes enfants, ni les tendres regards de celle que j'aime ; je ne vois que mes mains qui tremblent, mes bras qui peinent à amener la nourriture à la bouche et mes jambes qui ploient sous le poids d'un corps devenu trop lourd.
Je ne suis plus qu'un homme mal assis qui songe sans fin, et si j'ai aimé ce corps, je le hais à présent. Nous cohabitons désormais et il a le dernier mot en tout ; je ne me suis résolu à cette idée que contraint
« Dans ma peau est un texte qui a ses racines dans le premier XXe siècle, au temps où
les hommes portaient la moustache et les femmes de larges chapeaux, quand les pétarades automobiles effrayaient les chevaux sur les grands boulevards.
Dans les violences d’une guerre à la fureur si nouvelle, un monde s’est abîmé et il ne nous en reste que quelques échos déformés et des images tremblotantes que
nous ne comprenons plus. Cette guerre, je la connais bien : je suis directeur de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne, dans la Somme, au cœur des
champs de bataille de la Première Guerre mondiale, là où s’opposèrent troupes britanniques, armées du Commonwealth et Allemands de 1914 à 1918. Et c’est avec mon corps que j’éprouve l’âpreté de
l’ancienne réalité des combats ; depuis quatre ans, je souffre d’une maladie qui n’a pas de nom et qui rend chacun de mes mouvements douloureux et pénible, si bien que je ne connais plus de
moment de paix et de repos. Il me semble parfois être si près de ceux dont je dis être le témoin que j’en ferai souffrance commune avec ces hommes qui ne sont plus, que mon horizon est sans cesse
bousculé d’explosions intimes. Les objets que je côtoie, les uniformes impeccables qui dorment dans les réserves de l’Historial, les fusils comme les montres,
les poignards comme les godillots, tout cela résonne de violences assoupies que je crois ressentir à chaque instant. Voilà ce que j’ai essayé de dire et d’écrire ; et l’attention que je me
porte serait différente si elle n’était pas le fruit de mon expérience à l’Historial, si elle n’était pas née d’abord d’une empathie pour de plus souffrants que moi. » G. de F.
Dans ma peau
de Guillaume de Fonclare
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