Michel Brazy, le goût du moisi
il y a 2 jours – Les œuvres de Michel Blazy sont littéralement pourries. La moisissure grimpe le long de ses sculptures organiques et les insectes y élisent
Critique Éphémère . Le plasticien expose dans le XIXe ses sculptures organiques en décomposition.
Les œuvres de Michel Blazy sont littéralement pourries. La moisissure grimpe le long de ses sculptures organiques et les insectes y élisent domicile. Sur les étagères de son «Bar à oranges», présent comme il se doit dans «le Grand Restaurant», l’exposition personnelle de Blazy au Plateau, des restes d’agrumes coupés en deux et vidés de leur jus sont empilés les uns sur les autres. L’écorce éclatante des fruits offerts aux assauts de l’air libre vire progressivement au brun, puis au vert-de-gris, pour finir noirâtre ou tapissée de mousse blanche. Dans le même temps, les exhalaisons rances de la matière en décomposition attirent des colonies de mouches drosophiles ; lesquelles drainent dans leur sillage des peuplades d’araignées voraces, dont les toiles parfont ces constructions chaotiques et mouvantes, à mi-chemin entre art abstrait et vivarium.
S’il est des artistes pour lesquels le passage du temps représente une menace, la mise en péril d’œuvres voulues impérissables, Michel Blazy n’est pas de cette espèce-là. Le gâteau d’anniversaire placé à l’entrée de l’exposition du Plateau peut d’ailleurs être vu comme une mise en scène ironique de cette démarcation, avec sa bougie soigneusement entretenue au sommet d’une pâtisserie qui va décrépissant, symbole de cette fuite inexorable que la flamme par sa constance tente de conjurer.
Au contraire, l’artiste monégasque a fait de l’expérience de la durée la matière première de son art. Lui-même définit ses installations comme des «pièges», des «cadres conçus pour attirer les événements qui laissent des traces à l’intérieur du temps». Comprendre : des dispositifs à la fois propices à l’avènement d’un quelconque phénomène naturel (germination, éclosion, alimentation…), mais également suffisamment sensibles - au sens photographique du terme - pour enregistrer celui-ci sans contraindre ni anticiper son développement. «Je veille à ne pas fixer les choses, à ce qu’elles soient vivantes et qu’elles ne deviennent pas des objets, dit-il. J’essaye de dépasser ce que j’ai projeté, qu’il y ait des résultats inattendus.»
Cycle de la vie. Souris, fourmis, escargots, champignons, lentilles, craie, coton… Depuis plus de vingt ans, Blazy travaille «en collaboration» avec l’ensemble des règnes biologiques pour rendre hommage au cycle de la vie. Cycle infini durant lequel, pour reprendre la formule de Lavoisier, «rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme».
Circuit fermé est le titre de l’une des trois installations inédites conçues pour «le Grand Restaurant». Deux visiteurs y sont invités à déguster un carpaccio de viande dans une salle infestée de moustiques, tandis que les autres se tiennent derrière une moustiquaire d’où ils peuvent observer la scène. Sorte d’extrapolation du «Bar à oranges», dans lequel la consommation d’un jus pressé sert de point de départ au développement d’autres organismes vivants, Circuit fermé va plus loin en ce sens que le sang même des visiteurs est nécessaire à la fécondation des larves de moustiques qui grandissent dans les bacs situés dans la pièce du repas. «C’est la première fois que je place des visiteurs dans un cartel d’exposition, constate l’artiste. J’ai déjà fait des installations où ils laissent des traces, mais jamais auparavant ils n’avaient constitué la matière de l’installation.»
Chaque œuvre a été pensée comme «un monde adapté à ses habitants», à l’instar des cinq Tables auto-nettoyantes dont les plateaux jonchés de miettes de pain et de miel nourrissent une fourmilière abritée dans leurs pieds, ou de la Grotte, cocon de près de dix mètres de long en coton imbibé sur lequel poussent des graines de lentilles, située dans la dernière salle du parcours.
Symbiose. Mais le principe du circuit fermé s’applique à l’ensemble du «Grand Restaurant». «Les mouches du "Bar à oranges" vont pondre dans la Grotte, estime Michel Blazy, et comme elles sont attirées par la chaleur, elles se grilleront sûrement sur les lampes rouges au-dessus des Tables auto-nettoyantes où se trouvent les fourmis, leur fournissant ainsi des protéines.»
Avec en prime le Lâcher d’escargots, l’exposition du Plateau fait la part belle aux nouveautés. Pas de purées de carottes donc, ni de murs peints à l’agar-agar ou de gerbes de mousses, mais un espace tout en symbiose qui renoue avec la fascination enfantine de l’observation du vivant en marche.
Bram Snijders
Scopitone, l’éruption numérique
A l’occasion du festival nantais qui marie electro et installations, zoom sur le mapping vidéo, technique de projection sur volumes.
Un grondement tellurique fait vibrer le Cube Alstom sur l’île de Nantes, suivi d’éclats de lumière dont les traînées révèlent par touches un relief accidenté. La contemplative installation Eyjafjallajökull recrée l’éruption du volcan islandais. Bloqué suite à la fermeture de l’espace aérien, Joanie Lemercier a imaginé sa propre version : abstraite, minimale, tout en ombre et lumière donnant l’illusion du volume à partir de simples dessins muraux et de projections.«La technique utilisée est le reverse mapping qui consiste à augmenter un visuel peint d’un voile de lumière, et à jouer avec la perception du spectateur», explique l’artiste qui a exploré le mapping vidéo dès 2006, en solo et au sein du collectif AntiVJ.
Clip bluffant. Cette «projection sur volume» s’est, depuis, largement répandue grâce à la démocratisation des outils et à la puissance croissante des projecteurs. Champ d’expérimentation pour les artistes, elle est utilisée dans la plupart des installations présentées dans le parcours numérique du festival musical Scopitone. Mapping sur les murs, des sculptures, des objets, ou sur le corps qui devient surface de projection, comme dans Sensible 1.0 de Bram Snijders, où le spectateur est recouvert d’une enveloppe digitale qui épouse ses contours et ses déplacements. Dans l’ironique RE : du collectif néerlandais Deframe, c’est le vidéoprojecteur qui projette sur lui-même, par un jeu de miroirs. Une sorte d’«automapping» minimaliste qui interroge avec scepticisme la tendance actuelle vers des projections toujours plus monumentales, et tape-à-l’œil, ainsi que la récupération publicitaire du procédé (comme la dernière campagne pour la Playstation 3 ou le clip bluffant des Belges Willow, qui cartonne sur le Net). Face à cette débauche d’effets, se développe ce que Lemercier appelle «un mapping d’auteur».
On observe cette même économie de moyens dans The Icebook, des Britanniques Davy et Kristin McGuire, adorable théâtre miniature pour une poignée de spectateurs rassemblés dans l’obscurité autour d’un pop-up, dont Kristin, conteuse muette, tourne les pages. On la retrouve héroïne du récit, projetée sur une mini-scène sous les traits d’une reine des neiges transformant en glace tout ce qu’elle touche. The Icebook réactualise les illusions d’optique pré-cinématographiques et leur potentiel hypnotique. «Plutôt que de projeter des images sur un écran, nous souhaitions créer un objet qui aurait sa vie propre, tangible et magique, dont le public peut faire l’expérience.» La scène s’ouvre comme un livre, dévoilant ses décors en papier découpé, animés par un subtil jeu de lumière et des saynètes vidéo dont l’esthétique noir et blanc évoque à la fois les vieux films expressionnistes allemands et les contes de fée russes.«Nous aimons ce côté artisanal, délicat, ça nous permet de travailler les détails», explique le duo en lice pour le Samuel Beckett Award avec leur dernière installation théâtrale, un hommage à Psychose, rejoué dans un décor en papier augmenté de projections.
Le mapping vidéo, ou 3D, a pris son envol dans les années 2005, notamment sous l’impulsion de collectifs français très inventifs, comme 1024 architecture ou AntiVJ, fer de lance de cette scène «post vj», qui déborde de l’écran pour ranimer les façades, superposant des couches de lumière à des architectures existantes, créant des trompe-l’œil animés géants. Tel ce mapping permanent d’AntiVJ, qui fait pulser le dôme de béton du nouveau musée d’architecture de Wroclaw, en Pologne.
Animaux. Le mapping ne fait qu’actualiser la tradition bien française du «son et lumière». «On est tous les enfants de Jean-Michel Jarre et de son clavier lumineux», plaisante François Wunschel, de 1024 architecture, rencontré à Créteil alors qu’ils œuvraient à une nouvelle création, Crise. Lui fait remonter le procédé aux «peintures rupestres qui déjà s’inspiraient des formes de la surface pour créer les animaux et faire émerger une réalité augmentée». Des scénographies originales pour les musiciens électroniques (Etienne de Crécy ou Vitalic) ont forgé leur réputation, tout comme le logiciel qu’ils ont développé, MadMapper, un outil accessible, qui a accéléré la popularité de cette technique. Eux s’éloignent des productions de mapping «de plus en plus hollywoodiennes» pour une approche «bricolo», live et interactive. A découvrir au festival Némo fin novembre.
Dangerosité potentielle des OGM
Gilles-Éric Séralini (au centre), auteur du livre "Tous Cobayes !". (DR)
Professeur de biologie moléculaire et chercheur à l'Institut de Biologie fondamentale et appliquée de l'université de Caen, Gilles-Eric Séralini publie le 26 septembre "Tous cobayes!" (Flammarion), le résultat d'une étude menée dans le plus grand secret pendant deux ans sur deux cents rats nourris au maïs transgénique. Conclusion ? Un effet toxique de l'OGM avéré sur l'animal. Et des inquiétudes pour l'homme… Interview.
Il y avait une méfiance diffuse de l’opinion sur l’impact des OGM pour la santé humaine. Avec votre étude, c’est une suspicion grave qui se confirme ?
- Oui, nous venons de réaliser l'étude la plus longue et la plus détaillée au monde sur la toxicité d'un maïs transgénique et sur celle du Roundup, l’herbicide le plus utilisé qui soit. Notre étude conclut à un effet toxique sur l’animal et nous donne à penser qu’il peut y en avoir un sur l’homme. En outre, plusieurs autres tests que nous avions effectués sur des cellules humaines vont dans le même sens. Notre étude, menée durant deux ans sur des rats, établit que, même à très faible dose, l’absorption à long terme de ce maïs agit comme un poison puissant et bien souvent mortel, tout comme celle du Roundup. Et ces effets touchent prioritairement les reins, le foie et les glandes mammaires. Lorsqu’il s’agit de produits chimiques, de pesticides ou de médicaments, les tests sur petits mammifères sont courants au niveau réglementaire. Sauf que les OGM échappent à cette épreuve !
Le grand scandale, celui dont je ne me remets pas, c’est que les agences sanitaires n’ont jamais exigé des industriels une étude de toxicité de longue durée. Pourtant, lorsque 450 millions d’Européens consomment des produits alimentaires à base d’OGM (et sans toujours le savoir), ils le font tout au long de leur vie. Pis : beaucoup de ces experts ont, malgré nos mises en demeure, multiplié les arguties pour s’y opposer coûte que coûte. De quoi s’agit-il : inconscience ? négligence ? lâcheté ? collusion criminelle avec le monde industriel ? ou de tout ça à la fois ?
il y a 2 jours – La toxicité des OGM et du Roundup sur les rats ne fait plus de doute. Mais est-on sûr qu'ils présentent les mêmes risques pour l&r.
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Le Nouvel Observateur (Blog) - il y a 19 heures
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Rue89 - il y a 2 jours
Comme une bête
2 sept. 2012 – Joy Sorman dissèque les faits et gestes d'un apprenti-boucher obsessionnel et modernise la veine néonaturaliste
'Pim passe sa main partout où il peut, identifie à haute voix le jarret, la côte première et le filet mignon – les mots la font rire et puis moins quand il passe à la tranche grasse et au
cuisseau. Le corps de l'apprenti ankylosé par des jours de découpe, de désossage et de nettoyage se détend enfin, s'assouplit, ses mains se décrispent, la chair est mobile, la peau se griffe, le
sang détale dans les veines, il pose ses doigts sur les tempes de la fille, ça pulse.'
Comme une bête est l'histoire d'un jeune homme qui aime les vaches au point de devenir boucher.
Le banquet scientifique
École Supérieure d’Art et de Design de Reims
Laboratoire d’ethnoscénologie (EA 1573)
Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord
Université Paris 8 - Université Paris 13 - CNRS
Université François Rabelais de Tours – LÉA (EA 6294)
Institut Européen d’Histoire et Culture de l’Alimentation
CentQuatre (Les Grandes Tables)
Ferrandi, l’Ecole Française de Gastronomie
Société Française d’Ethnoscénologie
LE BANQUET SCIENTIFIQUE ®
APPEL À CONTRIBUTION
Alors que de nombreuses recherches universitaires questionnent la place du sensible, le rôle de l’apprentissage et de la sensorialité dans un milieu technologique de plus en plus complexe, les étudiants de post-diplôme design culinaire de l’ESAD de Reims et les doctorants en ethnoscénologie de la MSH-PN organisent un « banquet scientifique ». Ce projet relève d’une réflexion sur les dispositifs favorables à la transmission des savoirs et les formes que prend la pensée dans les domaines de l'ethnoscénologie, l'histoire et la culture de l'alimentation, les arts et le design culinaire. Il interroge la perception organoleptique, l'éducation au goût et les comportements alimentaires.
Le premier aboutissement de cette recherche commune entremêle colloque et performance de manière à immerger public et participants dans une même expérience sensible. La première édition du Banquet Scientifique ® aura lieu au printemps 2013 au CentQuatre (Les Grandes Tables) à Paris et s’appuiera sur le thème Pillage et Gaspillage :
« Seul animal à pratiquer l’excès sans retenue, l’Humain pille et gaspille autant ce qu’il reçoit que ce qu’il produit. Entre famine et boulimie, création et destruction, naufrage et sauvetage, pollution et lessivage, déprédation et restauration, empoisonnement et protection, dilapidation et rénovation, notre espèce n’en finit pas de jouer à la balançoire au risque de se rompre les os. S’avance-t-elle vers de définitives décharges d’immondices, ou ce point idéal qui serait son destin ? » (Jean-Marie Pradier)
Plasticiens, designers, performeurs de multiples obédiences, essayistes, musiciens, philosophes et poètes se rencontrent pour en parler ou le chanter, théoriser ou danser, donner à voir ou à renifler dans la liberté que donnent les saveurs d’un festin. Cinq heures de table savante en dehors des poncifs de la pensée et des stéréotypes du sensible.
Les propositions pourront prendre la forme d’une communication orale de sept à dix minutes maximum, d’une performance ou d’une œuvre plastique.
Mots clés : Esthétique, corps, pillage, gaspillage, perception, sensible, goût, énergie
Comité scientifique :
Marc Brétillot, designer culinaire et enseignant à l’ESAD
Marc de Ferrière, professeur, Université François Rabelais de Tours
Fabrice Lextrait, opérateur culturel et directeur des Grandes Tables
Claire Peillod, directrice, ESAD de Reims
Pierre Philippe-Meden, doctorant ATER, Université d’Artois
Jean-Marie Pradier, professeur émérite, Université Paris 8
Patricia Ribault, docteur, responsable de la recherche, ESAD de Reims
Jean-Pierre Williot, professeur, Université François Rabelais de Tours
Date limite d’envoi des propositions (300 mots maximum), accompagnées d’une courte biographie) : 31 octobre 2012 à : mshpn-banquetscientifique@mshparisnord.fr
Min Tanaka et Body Weather
installation-performance de Catherine Cocherel avec la participation de Stéphane Lefranc
< photos © Nathaniel Bensoussan >
17 nov. 2011 – spectacles de theatre et ateliers par la Compagnie du Funambule a Marseille.
DRIVE ON
Laboratoire de Météorologie du Corps
Shintai Kisho Kenkkyujo
Room 306, Honcho 5-13-1,
Nakano-ku, Tokyo, Japan 164
1 nov. 1980
Body Weather
Body Weather est un état d’esprit autant qu’un état du corps.
Il est là à l’intérieur d’une personne autant qu’entre et parmi des personnes.
Il est également là entre une personne et l’extrémité de l’univers, s’il en existe une.
Il est là à l’intérieur d’une seule cellule, d’une molécule, d’une particule, d’un quarc.
Il existe dans notre vision, dans ce que nous entendons,
dans nos sentiment, perceptions et dans notre imagination.
Il est sans forme et il ne s’arrête pas.
Changeant sa forme et substance constamment.
Comme le temps météorologique, le phénomène naturel dans lequel nous vivons,
il nous affecte à chaque instant.
Il est indivisible car comme l’eau ou l’air ses éléments et l’ensemble sont identiques.
Formée par Tanaka Min au Japon, Fabienne a introduit le Tanaka en France en 1984 et après l'avoir adapté pour les occidentaux, elle a conceptualisé la .
Les handicaps créateurs
Colloque "handicaps créateurs"
Ce colloque est organisé par le Centre de la Gabrielle - Mutualité Fonction
Publique Action Santé Social (MFPass) dans le cadre du projet "Savoirs créatifs,
savoirs migrateurs" du programme de recherche international "Ethiques de la
création", en partenariat avec le Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés
contemporaines (Université de Versailles Saint Quentin), l'Institut Charles Cros
et la Maison des Sciences de l'Homme Paris Nord.
Dans le cadre du séminaire interdisciplinaire Savoirs créatifs, Savoirs migrateurs, le colloque Handicaps créateurs se déroulera le 11 octobre 2012
Informations pratiques :
Date
Jeudi 11 octobre 2012
Lieu
Institut mutualiste Montsouris, Paris 14ème
L’inscription est gratuite mais obligatoire.
Les places sont limitées, nous prendrons en compte les 200 premiers inscrits.
Inscriptions obligatoires
via le site :
http://www.centredelagabrielle-evenement.fr/
Présentation :
Sans être spécialement orienté vers la “jeunesse”, cet appel à contributions est susceptible d’intéresser chercheurs, enseignants et créateurs travaillant sur la question “enfance et
handicap”.
Présentation :
Ce colloque fait partie du projet interdisciplinaire ” Savoirs créatifs, savoirs migrateurs ” (SaCréSaMi), relié au programme de recherche international “Éthiques de la Création” (2008 – 2014)
piloté par Sylvie Dallet. Il s’inscrit dans un cycle de sept journées d’études et colloques consacré en 2012 aux nouveaux savoirs contemporains, issus des migrations culturelles (vivantes,
écrites, numériques ou analogiques) et notamment à la question de l’éthique et de la créativité.
Ce séminaire innovant est réalisé collectivement pour irriguer les réflexions sur les mutations des savoirs autour de sept thèmes organisés sur sept lieux symboliques. Ces espaces culturels de
travail doivent être conçus comme autant de passerelles territoriales, puis européennes et de la francophonie. Ce dispositif original associe des chercheurs avec des artistes, des collectivités
territoriales ou des institutions de la société civile.
Le thème de “Handicaps Créateurs” occupe une place originale dans les dispositifs des “Savoirs créatifs”, car elle oriente le regard vers les potentialités de l’être humain, développées au
travers ou grâce à ses handicaps. Cette initiative audacieuse, renouvelle la pensée sur le handicap, traditionnellement associé à la souffrance, à la mutilation et à la perte irrémédiable.
La création surgit des handicaps singuliers, dans une énergie singulière qui sublime les fragilités en forces expressives, les transforme en atouts. Le concept de “handicap créateur”, ancré dans
le réel de nos destins personnels est une pensée de socle : une société équilibrée se recrée collectivement grâce au parcours unique et complémentaire de chacun. Définir le handicap comme
constitutif de toute personne correspond à une réflexion sur la création de soi dans la relation aux normes, à la société, aux autres. Le handicap est, dans nos sociétés, une philosophie du
réel.
L’originalité du thème “Handicaps créateurs” suppose une réflexion riche qui s’attache à une histoire scientifique autant qu’elle offre une prospective forte. Ce colloque favorise le dialogue
entre les personnes en situation de handicap et leurs familles, les chercheurs, les professionnels, les représentants politiques, la société civile.
Plusieurs questionnements peuvent être associés à la démarche principale :
§ Le respect du handicap comme porteur de compréhension du monde
§ Les représentations du handicap dans la bande dessinée et le cinéma
§ Les pertinences esthétiques de l’art brut ou de l’art outsider
§ Les initiatives plastiques et sonores d’art thérapie en instituts spécialisés
§ Le théâtre et le mime pour pallier les handicaps de l’entreprise et de la société
§ Créer c’est éclore au monde et le transformer
§ Création et vieillesse
§ Handicap et enseignement créatif
§ Cartographie des expériences créatives européennes
Organisation : Le Centre la Gabrielle, Mutualité de la Fonction Publique Action Santé Sociale (77)
Partenariats et labels scientifiques :
Le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (UVSQ),
L’Institut Charles Cros
La Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord
Exposition organisée par l’association Eg’Art-Pour un égal accès à l’Art
Programme « Handicaps créateurs »
9h - 9h30 Accueil des participants
9h30 - 10h00 Ouverture et présentation Perrine Devaux , Comédienne et metteur en
scène animera la journée.
Ouverture du colloque :
Benoît Hamon , Ministre délégué de l’économie sociale et solidaire
Etienne Caniard , Président de la Mutualité française
Présentation du colloque « Handicaps créateurs » :
Sylvie Dallet , Professeur des universités, Directrice de recherche au CHCSC-Université de
Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et Présidente de l’Institut Charles Cros
Bernadette Grosyeux, Directrice générale du Centre de la Gabrielle - MFPass, Fondatrice
de l'association Eg'Art-Pour un égal accès à l'art.
Performance artistique :
Elie Blanchard (Yro), Artiste plasticien, intervenant dans le cadre du partenariat entre le
Centre de la Gabrielle et l'Agence Régionale Culturelle d'Ile-de-France (ARCADI) et Gaël Le
Cerf, Artiste, intervenant aux ateliers Couleurs et Création du Centre de la Gabrielle -
MFPass en la présence de Frédéric Hoquard, Directeur d'ARCADI
10h20 - 12h00 Première table ronde « Le handicap source de création »
Modératrice : Simone Korff Sausse, Psychanalyste, Maître de conférences à l'UFR
Sciences Humaines Cliniques de l’Université Denis Diderot, Paris 7. Membre de la Société
Psychanalytique de Paris.
Zoi Kapoula, Directrice de recherche en Neurosciences cognitives, CNRS "La pensée
créative des enfants dyslexiques et non dyslexiques".
Licia Sbattella, Professeur de l'Université Politecnico di Milano, directrice scientifique de
Esagramma, psychologue psychothérapeute, chef d’orchestre "L’orchestre participatif : lieu
de résonance et des savoirs créatifs "
Olivier Couder, Directeur artistique du Théâtre du Cristal à Beaumont sur Oise "Handicaps
créateurs au théâtre : enjeux esthétiques, enjeux sociologiques, savoirs créatifs, savoirs
migrateurs".
Pérette-Cécile Buffaria, Professeur des universités, littérature italienne, Université de
Lorraine, Laboratoire de recherche ELCI EA1496 Paris Sorbonne "Lorsque le cinéma italien
retrace l’influence de Franco Basaglia : Il était une fois la ville des fous…".
Brigitte Lemaine, Sociologue et cinéaste, Docteur de 3ème cycle en philosophie
esthétique "De l’art des sourds. Ce n’est pas une mince affaire de se faire comprendre".
11h20 - 11h50 Échanges avec la salle
11h50 - 12h00 Présentation de Eg’Art et de l'exposition de Jérôme Turpin
Alain Arnaud, Président de l’Association Eg’Art, Président Général de la Mutualité Fonction
Publique
Armonie Lesobre, Chef de projet de l'Association Eg'Art
Jérôme Turpin, Artiste de l'Association Eg'Art 12h00 - 14h00 Déjeuner libre
14h00 - 16h00 Seconde table ronde « Création et soin »
Modérateur : Patrick Gohet, Président Conseil National Consultatif des Personnes
Handicapées, ancien délégué interministériel aux personnes handicapées.
Axel Kahn, Scientifique, médecin généticien et essayiste français. Directeur de recherche à
l'INSERM et Président de l'Université Paris Descartes. "L'art pour faire face à la situation de
handicap".
Bernard Andrieu, Professeur, Philosophe à la faculté du sport, Université de
Lorraine, laboratoire EA4360 APEMAC EPSaMetz, Membre associé à l’UMR 7268 ADES CNRS,
"L’art régénérateur, une agentivité créatrice du corps déshabilité ".
Maurice Corcos, Directeur du département de psychiatrie de l’adolescent et de l’adulte
jeune à l’Institut Mutualiste Montsouris et professeur de psychiatrie infanto-juvénile,
Université Paris-Descartes. "Handicaps créateurs".
Isabelle Salmona, Médecin psychiatre à l’Association Santé Mentale Paris 13 "Rencontre
avec le Frente de Artista del Borda".
Jean de Kervasdoué, Economiste de la santé, Professeur titulaire de la chaire d'économie
et de gestion des services de santé du conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et
membre de l'Académie des technologies.
Maudy Piot, Psychanalyste, présidente-fondatrice de l'association "Femme pour le Dire,
Femmes pour Agir" (FDFA) "La psychanalyse est Création".
15h10 - 15h40 Echanges avec la salle
15h40 - 16h00 Pause
16h00 - 18h00 Troisième table ronde « Handicaps, création et société »
Modérateur : Jean-Yves Hocquet, Directeur du Centre des Liaisons Européennes et
Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS).
Christian Berst, Directeur de la Galerie "Christian Berst Abrut Paris"
Stéphane Héas, Sociologue, Maître de conférences (HDR), Université Rennes 2, UFR APS
laboratoire Violences identités Politiques et Sports EA4636 "Quand le handicap devient un
atout professionnel".
Françoise Monnin, Rédactrice en chef de la revue Artension (sous réserve)
Marielle Gastellier-Massias, Enseignante à l'IUFM de Créteil Paris Est Paris 12 Val de
Marne, équipe de recherche « handicaps » docteur en lettres, "La représentation du
handicap dans la littérature de jeunesse".
Antoine Hennion, Directeur de recherches au Centre de sociologie de l'innovation, MINESParisTech/
CNRS (UMR 7185) "Faire être l’autre : le handicap et la relation d’aide comme
fiction créatrice".
Karine Gros, Maître de Conférences en Littérature, spécialisée dans l'insertion sociétale et
professionnelle des personnes handicapées, Université Paris Est Créteil, en présence de
Georges Grard, auteur, dessinateur, éditeur "La représentation des handicaps dans la
bande dessinée : l’exemple de La Bande à Ed de Georges Grard". 17h10 -
17h40 Echanges avec la salle
17h40 - 18h00 Conclusions du colloque
Marie-Sophie Desaulle, Directrice de l’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire,
grand témoin de cette journée.
Sylvie Dallet et Bernadette Grosyeux, coresponsables du colloque
Faye Mullen Dissection of architectural space,
A single-channel performative video piece with a running time of 30 minutes.
Bath tub, milk, artist's body.
2011
Faye Mullen
Artiste en résidence / Artist in Residence
(English follows)
From ” in your arms.” Drywall, compound, white paint, pine needles, artist’s body. Six hour performative sculpture. 12′ x 10′ x 2′. 2010.
Par la dissection, récurrente, de l'espace architectural, Faye Mullen se sert du corps afin de poursuivre des théories qui concernent l'absence, la perte et les limites. Son travail prend
racine dans une pratique de la sculpture et se combine à la performance, à la vidéo, l'image et l'installation. Ses investigations phénomélogiques s'articulent à travers la durée et
l'imagerie poétique.
Ancrée dans l'expérience corporelle, j'examine le corps en relation avec l'état d'absence. J'emploie le corps performatif de l'artiste pour révéler la question entourant une disparition
potentielle du Soi. En mettant en scène le corps qui se perd dans le paysage, j'espère rendre tangible la fonction phénoménal psychique de la présence et de l'absence. Par la création
d'installations de vidéos performatives, d'images, de sculptures, mes oeuvres sont des représentations psychosomatiques de la notion de perte, de besoin et de limite.
Comme dans une sorte de linceul, mon travail inscrit le corps dans la perte et dans le deuil en le soustrayant au regard. En utilisant le corps comme outil d'expression, j'interroge le désir de
demeurer vivant malgré la dégradation corporelle, la rupture du Soi entre l'être physique et psychique et le brouillage esthétique entre sujet et objet. Mes oeuvres vidéographiques
s'efforcent à présenter la chair de l'être comme un vestige de ce qui n'a jamais vraiment été.
Ma pratique artistique aspire à explorer ce qui n'est pas ou ce qui n'est plus.
Par la mise en images de gestes rituels, dans lesquelles la figure tente de se perdre soi-même dans une résistance ontologique au destin de la mort et de l'oubli, je m'approprie l'idée et
l'iconographie propre au mémento mori. L' image de la performance, dans mon processus de création, examine visuellement la relation entre l'artiste et la limite de son corps. Les oeuvres
qui en ressortent matérialisent cette limite tout en se nourrissant du tissu culturel des archétypes et des symboles. Mon parcours, comme artiste, vise à élucider une connaissance plus subtile de
la nature atrophique de mon propre corps de femme.
Faye Mullen est née dans la région de Niagara au Canada. Elle a fait des études à l'école National Supérieure des Beaux-Arts à Paris. Elle est détentrice d'un baccalauréat en arts visuels
de OCAD U et d'une maîtrise en études visuelles de l'Université de Toronto. Ses oeuvres ont fait partie d'expositions solos et de groupes au Canada, en France, en Corée du Sud, en Australie et
aux Etats-Unis. Elle a réalisé des résidences à Wongol (Corée), Toronto (Ontario), Saint-Jean-Port-Joli (Québec) et Buffalo (Etats-Unis). Elle est la fondatrice de minnow & bass,
un espace nomade d'artistes. Elle vit à Toronto.
Pour en savoir plus sur nos activités, visitez: http://www.sagamie.com
***************
Faye Mullen
Artist in Residence
Often within a dissection of architectural space, Faye Mullen employs the body to speculate theories concerning absence, loss and limitation. Her work has been informed by her sculptural
practice and is often combined with performance, video and installation. Her phenomenological investigations are articulated through durational and poetic imagery.
Rooted in the corporeal experience, my art practice examines the body in relation to states of absence. I employ the performative body to revel in questions surrounding a potential disappearance
of the Self. By capturing the scene of the body loosing itself in the landscape, it is my hope to render tangible the function and ontological phenomenon of presence and absence. By
the creation of installations in video, performance and sculpture, my work becomes visual articulations of loss, lack and limitation.
As a sort of shroud, my practice envelops the body in loss and grief by shielding it from the gaze. By using the body as expressive tool, material, I interrogate the desire for
continuance despite bodily degradation, the rupture of Self between physic and psychic and the esthetic blur between subject and object. My performance-based video installations visually present
the flesh of a being as a vestige framed at the threshold of existence.
My art practice aspires to explore what is not and what is no longer.
By framing a ritual gesture in which the figure risks loosing herself to her own resistence against loss, lack, death, I am appropriating the idea and iconography of a momento mori.
The works birthed of this imagery, strive to unearth the sensory body and allow it to suspend between existence and disappearance with the use of duration stimulating a critical and emotive
response that resides in space and context. The image of performance, in my practice, visually illustrates the relationship of the artist with her bodily limitations. The works
materialise the body's limits that enter the discourse of our cultural fabric composed of archetypes and symbols. My practice aims toward a better, more grounded understanding of the
atrophied nature of my own female body.
Mullen grew up bilingually in the Niagara Region, Canada. She studied studio art with an emphasis in sculpture at l'école National Supérieure des Beaux-Arts in Paris, receiving her BFA from
OCAD U and her masters in visual art from the University of Toronto. Mullen has exhibited internationally in solo and curated group exhibitions in Canada, France, South Korea, Australia and
United States and has participated in international artist residencies in Wongol (South Korea), Toronto (Ontario), Buffalo (United States) and Saint-Jean-Port-Joli (Québec). She is the
founder of minnow & bass Gallery, a nomadic artist-run space currently dormant. Currently, Faye situates her practice in Toronto.
For more information about our activities, please visit: http://www.sagamie.com
Inna Shevchenko. Un esprit sein
Inna Shevchenko. Un esprit sein
Cette militante du Femen, mouvement féministe ukrainien qui manifeste poitrine à l’air, lance un «camp d’entraînement» à Paris.
«Nous étions jeunes quand nous avons commencé.» Inna Shevchenko a 22 ans. Elle croise les jambes et se redresse un peu dans son fauteuil étroit. Elle sourit. «Je ne suis plus jeune désormais.» Cette militante de Femen, ce mouvement féministe ukrainien devenu célèbre pour ses protestations seins nus, est arrivée en France fin août, en catastrophe, avec un visa de tourisme. Quelques jours plus tôt, à Kiev, cette grande et jolie blonde a découpé à la tronçonneuse une croix orthodoxe en soutien aux Pussy Riot. Scandale, évidemment, menace de prison. «Des hommes» la suivent dans tous ses déplacements. «Un matin, ils ont commencé à enfoncer ma porte, j’ai attrapé mon passeport et je me suis enfuie par la fenêtre», raconte-t-elle. D’abord Varsovie, puis c’est Paris, quartier de la Goutte-d’Or, au Lavoir moderne parisien (LMP). Cet «immense hangar, à plafond plat, à poutres apparentes, monté sur des piliers de fonte, fermés par de larges fenêtres claires» comme le décrit Zola dans l’Assommoir, est un théâtre de quartier menacé de fermeture. Ses gérants, sensibles à la cause, ont toutefois décidé de prêter gracieusement l’espace aux Femen pour qu’elles lancent un «camp d’entraînement international», qui ouvre officiellement ce mardi. Exercices psychologiques, théoriques, sportifs : le programme est chargé. Inna Shevchenko s’enthousiasme : «Nous voulons former des jeunes femmes à devenir des soldats pour la cause féministe à travers le monde.»Pour elle, le militantisme se résume en un mot : «Travail».
La première manifestation des Femen a eu lieu à Kiev en avril 2008. Trois jeunes femmes se griment en prostituées. Elles savent déjà que leur militantisme, contre le sexisme et la prostitution, passera par des actions de rue. A l’université, menées par Anna Hutsol, 27 ans, la tête pensante, elles ont fondé une association exclusivement réservée aux femmes, Nouvelle Ethique. A l’époque, Inna Shevchenko est étudiante en journalisme, tout en étant employée au service de presse de la mairie de Kiev. «J’avais un bon boulot, je payais mon appartement sans problème, j’étais une jeune fille modèle.» Elle qui vient de Kherson, port sur les bords de la mer Noire, est séduite par le «pop-féminisme» des Femen. Son père est militaire, sa mère est employée dans un lycée, elle a une sœur aînée.
En 2010, le mouvement décide de changer de stratégie. Certaines manifesteront désormais seins nus. La première est fixée un 24 août, jour de l’indépendance ukrainienne. «Nous avons eu une très longue discussion, se souvient-elle. Moi, je ne voulais pas le faire, mais aujourd’hui, je pense que c’était la meilleure des idées.» Des jeunes Ukrainiennes, belles et élancées, protestant en petite tenue ? Forcément, les médias accourent, plus intéressés par des plastiques réputées parfaites que par les revendications. «La presse est notre meilleure protection, explique-t-elle. Si nous sommes seins nus, notre message est beaucoup plus relayé et nous sommes moins en danger.»
Elle assume : «Nous avons voulu montrer que les féministes ne sont pas que des vieilles femmes cachées derrière leurs bouquins.» Et, ce corps nu, ou presque, elle le défend vigoureusement. «En Ukraine, il n’y a pas de culture de l’activisme, nous avons dû tout inventer. J e serais incapable de me déshabiller à la plage, mais, quand je manifeste, j’ai l’impression de porter ce que j’appelle mon "uniforme spécial."» Elle mime quelqu’un en train de se déguiser. «Pour la première fois, le corps des femmes n’appartient plus aux hommes. Ils sont décontenancés, ils ont peur», continue-t-elle. Sa fierté est évidente.
Manifestation contre la prostitution, la corruption, ou encore en France contre DSK… Les Femen sont sur tous les fronts. Si leurs manières d’agir détonnent, elles restent pour le moment sur des revendications féministes plutôt traditionnelles. La situation générale des femmes en Ukraine, «belles, pauvres et pas éduquées» comme les voit la jeune militante, y est sans doute pour beaucoup. Le plus souvent, elles sont plus ou moins violemment évacuées par la police mais, parfois, cela tourne mal.
Soudain, Inna Shevchenko baisse la voix, elle hésite un peu, penche la tête, semble moins assurée. Le 21 décembre 2011, à Minsk, Biélorussie, elles sont trois à manifester en ce jour d’hiver contre le dictateur Loukachenko. Elle raconte qu’elles sont arrêtées par une quinzaine d’hommes. En garde à vue, elles sont longuement interrogées, insultées, menacées, frappées. Dans la nuit, elles sont encagoulées, puis remises à un autre groupe. Elles roulent longtemps, se retrouvent dans une forêt. Un instant de silence. Les hommes leur conseillent de bien respirer l’air frais, parce que «c’est la dernière fois». Et ils leur recommandent «de fermer les yeux et de penser au sourire» de leurs mères. Ils leur coupent les cheveux. Mais, finalement, ne les tuent pas. Ils les laissent là, au milieu de nulle part. Elles ne sont pas si loin de la frontière ukrainienne. Elles trouvent un petit village, appellent les médias. L’ambassadeur ukrainien est contraint de les exfiltrer. «Au départ, il ne voulait pas, mais Reuters était déjà arrivé, il était obligé.» Elle sourit un peu à nouveau.
Le succès médiatique attire les soupçons sur les Femen. «On a dit qu’on était financées par Obama, Soros ou même Poutine ! Mais ce n’est pas vrai. On a une boutique en ligne où on vend des tee-shirts. On a des petits donateurs, et on essaye de se faire inviter tous frais payés quand on se déplace à l’étranger.» Inna Shevchenko est l’une des quatre militantes à percevoir un salaire, «environ 600 euros par mois». «La Biélorussie a été la pire expérience de ma vie et la meilleure en même temps. J’ai compris que je voulais m’engager totalement dans les Femen», juge-t-elle. Cette célibataire explique ne plus «avoir de vie» en dehors et que ses seules amies sont des militantes. Elle voudrait importer cette culture de l’engagement à Paris où elle imagine rester tant qu’un retour à Kiev est trop risqué. «Pour le lancement, les Françaises voulaient organiser une fête, raconte-t-elle, mais j’ai dit "non, il faut une conférence de presse. C’est sérieux, cela ne doit pas être amusant."» Elle se reprend un peu : «Bon, il y aura tout de même une soirée après.» Eloïse Bouton, passée par Osez le féminisme ! et le collectif la Barbe, est la représentante de la branche française des Femen. Elle le reconnaît : «Dans l’avenir, il faut faire attention à ne pas tomber juste dans le spectacle, l’entertainment.»
Le soir, Inna Shevchenko dit avoir du mal à faire une pause. Elle lit et relit la Femme et le Socialisme d’August Bebel, l’ouvrage de référence du groupe. L’homme politique allemand écrivait ceci en 1883 : «La femme, dans la société nouvelle, jouira d’une indépendance complète ; […] elle sera placée vis-à-vis de l’homme sur un pied de liberté et d’égalité absolues».
23 juin 1990 Naissance à Kherson (Ukraine).
Août 2010 Première manifestation seins nus.
Décembre 2011 Enlèvement en Biélorussie.
Août 2012 Fuite à Paris.
Mardi 18 septembre. Ouverture du «camp d’entraînement international» des Femen, à Paris.
Photo Guillaume Herbaut. Institute
Sport, corps et sociétés de masse, le projet d’un homme nouveau,
- Le projet d'un homme nouveau
- (Nouveauté)
A paraître
- Auteur(s) :
-
Georges Bensoussan, Paul Dietschy, Caroline François, Hubert Strouk
- Collection :
-
Armand Colin/Recherches
- Format :
-
Brochée - 320 pages
- Dimension (en cm) :
-
15,3 x 23,5
- EAN13 :
-
9782200277338
- Public :
-
Chercheurs, GRAND PUBLIC, UNIVERSITE
- Domaines :
-
Histoire contemporaine
- Date de parution :
- 19/09/2012
L’ouvrage Sport, corps et sociétés de masse, le projet d’un homme nouveau, met à disposition du grand public et des chercheurs, les communications présentées au colloque international
organisé en novembre 2011 par le Mémorial de la Shoah et le Centre d’histoire de Sciences Po.
L’objectif était d’aborder, par un jeu de regards croisés, deux aspects de l’histoire des sociétés industrielles trop longtemps négligés par les chercheurs. D’une part, l’invention de politiques
sportives par les régimes totalitaires et autoritaires européens ; d’autre part, l’émancipation et l’intégration des communautés juives dans les sociétés d’Europe et d’Amérique du Nord via le
sport. Ces deux perspectives permettent tout d’abord de relire la place des exercices physiques gymnastiques ou sportifs dans l’invention de la modernité. Elles incitent également à revisiter
l’importance du corps et de ses représentations dans les régimes totalitaires, sans sous-estimer la complexité de la formation de cet autre homme nouveau qu’est l’homo sportivus. À
partir des Jeux de Berlin (1936), les deux histoires du sport autoritaire et totalitaire et du sport juif, deviennent indissociables tant les exercices corporels ont pu devenir un instrument
d’exclusion, de persécution et d’anéantissement des Juifs, jusque dans les centres de mise à mort. Ils sont aussi demeurés un moyen d’émancipation, d’affirmation et de résistance, notamment sous
le régime de Vichy et l’Occupation, sans toutefois que la question de l’épuration sportive ne soit véritablement posée à la Libération.
Cet ouvrage a été dirigé par Georges Bensoussan, responsable éditorial au Mémorial de la Shoah (Paris), Paul Dietschy, maître de conférences à l’université de
Franche-Comté et chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po (Paris) et au Laboratoire des sciences historiques (Besançon), Caroline François, coordinatrice d’expositions au
Mémorial de la Shoah (Paris) et Hubert Strouk, coordinateur régional du Mémorial de la Shoah pour le sud de la France.